Paula Beer, Barbara Auer, Matthias Brandt, Enno Trebs
Une femme (Paula Beer), absorbée par ses pensées, se penche au-dessus d’un pont. Plus tard, on la retrouve sur la rive, observant un homme qui s’adonne au stand-up paddle. Elle apparaît à la fois mystérieuse et traversée par une sourde mélancolie.
Cette jeune femme, Laura, doit retrouver son compagnon et un couple d’amis pour une excursion. Mais elle semble confuse, et demande finalement à son compagnon de la ramener à Berlin. Leur voyage s’interrompt brutalement par un accident de voiture, causé par l’apparition de Betty (Barbara Auer). Laura survit avec quelques égratignures, mais son compagnon, lui, succombe. Plutôt que de se rendre à l’hôpital, Laura choisit de suivre Betty, qui l’accueille chez elle comme si elles se connaissaient depuis toujours. Elle lui offre une chambre, des vêtements, et l’introduit dans son quotidien. Autour de Betty gravitent également son ex-mari Richard (Matthias Brandt) et leur fils Max (Enno Trebs), installant le film dans une atmosphère de huis clos troublante.
Si l’intrigue n’est pas la plus aboutie de Petzold, et que l’on devine assez vite ce qui est arrivé à la famille de Betty, le film demeure captivant et agréable à regarder. On y retrouve cette Stimmung propre à son cinéma, portée par une photographie toujours très soignée. Les amateurs de Petzold prendront plaisir à retrouver ses obsessions : les fantômes du passé, la fragilité de la vie moderne, les accidents de voiture (que l’on retrouve déjà dans Die Innere Sicherheit (2000), Wolfsburg (2003), Yella (2007), Jerichow (2008), Roter Himmel (2023)), mais aussi la présence de l’eau, symbole à la fois de mort, d’oubli et de renaissance.
La musique joue ici un rôle central, comme souvent chez le cinéaste. Laura est une étudiante en musique, et ses interprétations au piano structurent le film. Le Prélude en mi mineur Op. 28 n° 4 de Chopin et Une barque sur l’océan extrait des Miroirs de Ravel ne sont pas de simples choix esthétiques : ils ajoutent une intensité émotionnelle rare et prolongent (pour le morceau de Ravel) le motif de l’eau, omniprésent dans l’univers de Petzold. Ces morceaux révèlent ce que le personnage de Laura tait, donnant au film une profondeur supplémentaire.
Présenté à la Quinzaine des cinéastes lors du Festival de Cannes 2025, Mirror n°3 ne marquera sans doute pas les esprits comme Phoenix ou Barbara, mais il s’inscrit avec cohérence dans la filmographie de Petzold. Entre réalisme et spectralité, il séduira avant tout les spectateurs déjà sensibles à son univers et à ses thématiques.
Astrid De Munter