Drame social
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MIO FRATELLO E FIGLIO UNICO

Daniele Luchetti (Italie 2007 - distributeur : ABC distribution)

Elio Germano, Riccardo Scarmacio, Diane Fleri

100 min.
12 septembre 2007
MIO FRATELLO E FIGLIO UNICO

Il y a quelque chose de particulier dans le cinéma italien.

Quelque chose de gourmand et de lucide qui n’hésite pas à affronter les pans noirs de son histoire. Dans un esprit loin éloigné des « think well movies » américains dont le porte bannière charismatique et christique (au sens de porteur de message), George Clooney, s’est arrogé, avec l’assentiment d’un public séduit par son mix de Zorro et de Clark Gable, le titre de pourfendeur des causes avariées de la planète.

En toile de fond de « Mio fratello… », l’Italie des années 1960-1970. Celle sur laquelle se sont déjà penchés Marco Tullio Giordana dans « La meglio juventu » et Michele Placido dans « Romanzo criminale ». Avec en linteau scénaristique de ces films, la même écriture, du duo Rulli-Petraglia et le même talent à entrelacer l’histoire de chacun à l’Histoire de tous.

En contenu narratif du film, deux frères, modernes Abel et Caïn, que vont séparer, déchirer des prises de position politiques opposées. Deux façons d’être au monde dans un pays en pleine effervescence sociale.

Entre Accio-la-peste et Manrico-le gentil, c’est depuis l’enfance, la rivalité et l’affrontement.
Pour l’amour des femmes qu’elles soient la mère ou la petite amie. Et pour se trouver une identité qui, même forgée sur le socle l’identique envie de secouer la léthargie d’une Italie bourgeoise et corrompue (*) s’exprimera de façon différente. Engagement communiste pour l’un et choix de la voie fasciste pour l’autre.

Il pourrait être « reproché » à « Mio fratello… » son postulat manichéen si celui-ci n’était inscrit
dans un cadre qui, par ses allers retours entre gravité et légèreté, entoure le propos d’une sympathie qui ne porte pas de jugement.

Ne voir en « Mio fratello… » qu’un film politique serait l’amputer de sa dimension à hauteur d’homme qui pose sur le pourquoi des engagements politiques de ses personnages un regard pénétrant qui renvoie dos à dos les occurrences d’une époque et l’envie de se conformer ou de se distinguer des opinions d’une famille suivant que l’on s’y sent ou pas reconnu et affectionné.

Intelligemment interprété - Elio Germano, Riccardo Scamarcio et Diane Feri n’ont rien à envier au
charismatique trio (**) du « C’eravamo tanto amati » d’Ettore Scola -, rythmé par les airs de l’époque (Benny Curtis, Adriano Celentano) et par un montage quasi idéologique, « Mio fratello… » (***) propose une réflexion doublement intéressante.

A la fois sur les contradictions qui fondent la relation fraternelle lorsque l’enfant mal-aimé a l’impression que son frère mieux aimé est fils unique et sur les difficultés de l’Histoire italienne à émerger de son passé fasciste à travers la petite ville de Latina, créée en 1932 par Mussolini, et toujours aujourd’hui aux « mains » des partis d’extrême droite comme l’Alliance Nationale.

C’est pourquoi même si « Mio fratello… » se termine sur une image conviviale de fenêtre ouverte sur une mer bleue et ensoleillée, la vigilance reste de mise. Comme l’a rappelé la réaction d’une Italie outragée lorsque, quelques jours avant l’ouverture du Festival de Venise, Fanny Ardant a étourdiment qualifié de héros l’un des fondateurs des Brigades Rouges. (m.c.a)

(*) déjà mise en scène par le réalisateur dans son vitriolant « Il Portaborse » ou encore « Le porteur de serviette ».
(**) Stefania Sandrelli, Vittorio Gassman, Nino Manfredi
(***) inspiré pour son contenu par le livre autobiographique d’Antonio Pennachi paru aux éditions Le Dilettante (dont un bel extrait est accessible sur le site www.ledilettante.com ) et pour son titre par une chanson populaire de Rino Gaetano.