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Coup de coeurMILK

Gus Van Sant (U.S.A. - distributeur : A-Film)

Sean Penn, Emile Hirsch, Josh Brolin, Diego Luna...

128 min.
25 février 2009
MILK

Voici un film de Gus Van Sant qui contraste avec ses dernières réalisations. Un film où l’on ne l’attendait pas vraiment, qui lui permet cependant de revenir sur le devant de la scène, vers un cinéma plus mainstream sans pour autant sombrer dans la facilité ou le déjà fait.

Le réalisateur renoue avec un travail plus facile d’accès, dans le genre de « Good Will Hunting » produit en 1997, sans pour autant renier l’expérimentation à laquelle il s’est livré dans ses derniers films, de « Elephant » à « Paranoïd Park ». La durée était au centre de ces récits filmiques antérieurs, comme donnée structurante à éprouver. Cet aspect se retrouve dans « Milk » mais dans une autre mesure.

Il s’agit ici d’examiner une période dans la vie d’un homme, un moment clé dans son existence, qui aura un impact fort et durable sur le monde, tout en annonçant dès les premières minutes le dénouement final. Il sera alors question d’un suivi, profond et intense, de la vie de Harvey Milk. Un parcours ancré dans l’instant, dans la durée du moment, qui s’étire dans chaque secondes autant qu’il s’efface irrémédiablement.

Et quelle vie que celle de ce Harvey Milk, homosexuel assumé, qui se lance presque malgré lui dans la politique pour faire reconnaitre ses droits civiques, et ceux de ses pairs. S’il s’agit du trajet de l’homme, le film reflète aussi, et de façon remarquable, une époque, la fin des années septante aux Etats Unis, ainsi qu’un combat, celui d’un groupe marginalisé contre une société normalisante et jugeante.

De façon ingénieuse, Gus Van Sant utilise l’image d’archive pour recréer cette époque. Il mêle fiction pure, images vieillies et archives, dans un entrelacement non pas manipulateur, mais malléable. Un entremêlement qui entraîne le spectateur dans un temps révolu en lui donnant la couleur de ce qu’elle était réellement. Certains personnages n’apparaîtront d’ailleurs que dans l’archive. Choix redoutablement intelligent, les propos tenus par cette dernière étant tellement éhontés qu’ils auraient pu paraître faux dans la bouche d’une actrice.

En face de ces êtres réels se tiennent des acteurs plus qu’impressionnants. Déconcertants par la justesse de leur jeu. Bouleversants par l’intensité et l’honnêteté qu’ils injectent à leur personnage sans jamais sombrer dans l’excès. L’interprétation de Sean Penn y est tout simplement édifiante. A mille lieux des rôles de durs à cuire qu’il n’a eu de cesse de jouer, il incarne au sens fort du terme Harvey Milk. Son corps tout entier se meut, devient autre, les expressions de son visage ne sont plus celles qu’on lui connait. Il est métamorphosé.

Gus Van Sant signe avec « Milk » un film important. En faisant écho à ses propres orientations sexuelles, le réalisateur porte à l’écran un monde qui le concerne, une lutte qui lui tient à cœur. Il ne réalise pas pour autant un brulot revanchard, mais cherche au contraire à rendre un moment, un combat, dans leur réalité brute.

La réalité dépasse parfois n’importe quelle fiction. Cet élément, Gus Van Sant l’a parfaitement compris et l’expose, le plus simplement du monde à la fin de son film, lorsque les visages des personnes réelles se substituent à ceux des comédiens.

Alors la réalité s’impose. Eclatante et cruelle. (Justine Gustin)