Drame familial
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Coup de coeurMIEL

Semih Kaplanoglu (Turquie 2010)

Tülin Özen, Bora Atlas, Erdal Besikçioglu,

103 min.
25 mai 2011
MIEL

Douleur et peur. Envoûtement et apaisement.

 

Le besoin d’aimer est au-dedans depuis la naissance. Et pourtant le contrat passé avec la vie - croire lorsqu’on est enfant que ses parents seront toujours présents - est fragile.

C’est ce que va devoir apprendre le jeune Yusuf confronté à la disparition de son père avalé par la forêt dans laquelle il avait l’habitude de s’enfoncer pour installer des ruches dans les arbres.

C’est à pas feutrés, à l’aide de focales courtes, de plans-séquences contemplatifs et déterminé à ne pas céder sur l’envie de prendre son temps que Semih Kaplanoglu entre dans cette histoire (la sienne ?) qui va osciller, avec une un sens de la lenteur qui agacera ceux qu’il ne fascinera pas, entre les éléments intérieurs et extérieurs qui fondent la vie de Yusuf.

L’intérieur, c’est la maison et surtout l’école dans laquelle il peine à capter le rythme d’apprentissage, bloqué par une incapacité à déchiffrer et assembler les lettres. Bloqué dans une impossibilité à les lire sans bégayer.

L’extérieur, c’est la forêt et ses mystères bruissés et murmurés. La nature et ses chimères bercées de grâce et de lumière.

« Miel » est le troisième volet d’une trilogie à rebrousse-temps. Comme dans « Benjamin Button » de David Fincher le point de vue est de revenir sur le point de départ d’une existence. D’essayer de cerner le socle sur lequel s’accoudera Yusuf pour devenir adulte dans « Yumerta » après avoir été dans « Milk » un jeune poète encore appendu à une relation forte à la mère.

Kaplanoglu est dans « Miel » à la recherche d’un père qui manque - son jeune héros est dans sa timidité et sa retenue tout autant en souffrance que l’à peine plus âgé Cyril du « Gamin au vélo » des frères Dardenne dans sa quête hyperkinétique d’un père qui se dérobe.

Dans la trilogie le réalisateur est à la recherche d’un centre. Ce lieu d’où s’origine ce que l’on devient.

Il le fait avec une méticulosité esthétique parfois un peu appuyée. Parfois trop dépendante d’une admiration pour son compatriote Nuri Bilge Ceylan et sa légendaire virtuosité à inscrire dans des plans longuement étirés les sentiments de ses héros.

 

Désaffectant ainsi la mise en scène d’une sobriété et d’une simplicité premières pour laisser place à un je ne sais quoi de systématique voire de mécanique qui empêche l’émotion d’éclore. Spontanément.

Tout comme Satyajit Ray dans son tryptique « Apu et son monde » nous avait introduits dans le quotidien rural d’une modeste famille du Bengale dans les années 1920, Kapanoglu nous invite à le suivre dans une région - l’Anatolie - qu’il doit chérir pour savoir si bien en capturer les bruits, la beauté et le secret de la relation qu’elle autorise avec ceux qui y habitent.

« Miel » a remporté au festival de Berlin 2010 l’Ours d’Or. Ce qui n’étonne pas de la part d’un jury présidé par Werner Herzog dont on connaît le don pour saisir, dans ses subtilités les plus intimes, le lien qui peut s’instaurer entre un personnage et son lieu d’existence.

Un lien fait autant d’intuition que d’empathie. (mca)

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