Comédie romantique
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Coup de coeurMIDNIGHT IN PARIS

Woody Allen (USA 2011)

Rachel McAdams, Marion Cotillard, Kathy Bates, Owen Wilson, Michael Sheen

98 min.
15 juin 2011
MIDNIGHT IN PARIS

La vie est trop courte pour refuser une invitation à la vivre sur un mode léger et charmant.

C’est justement ce que nous propose Woody Allen, ce surprenant septuagénaire qui ne tombe pas dans les travers de moraliste ou de donneur de leçons - la seule qu’il se permet de murmurer c’est de nous conseiller d’être heureux (*) - dans lesquels se glissent parfois plusieurs de ses contemporains (Clint Eastwood, Robert Duvall…)

Son « Midnight summer » est tellement enjoué, farci, comme l’est une dinde à Thanksgivings, de clins d’œil, de clichés réjouissants et d’a priori anti prise de tête - les riches bourgeois sont coincés et cupides tandis que les artistes vivent décontractés et imaginatifs - qu’en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, et malgré des premières images ravageusement ringardes, nous sommes captés

Ravis dans un monde qui ressemble à celui d’un Lewis Caroll qui possède la clé d’une autre dimension où tout serait plus gai, plus créatif, plus vivifiant que dans la vraie vie affadie par des intérêts essentiellement matériels et spéculatifs.

Gil et Inez sont fiancés. Ils débarquent à Paris. Lui, un Owen Wilson aussi épatant que chez Wes Anderson, dépité de ne pas encore avoir écrit le roman qui ferait de lui un grand écrivain. Elle flanquée de ses parents omniprésents et aussi conservateurs qu’on pouvait l’être dans les romans d’Edith Wharton.

Que faire quand on est un couple aussi mal assorti ? S’évader. Se distraire.

Pour elle ce sera dans une excursion au Mont Saint Michel (un lieu de miracle ?) avec un couple rompu à la pédanterie. Pour lui ce sera le rêve.

Dans lequel, sous les coups de minuit, au moment où dans le conte des Grimm Cendrillon perdait sa pantoufle de vair, il allait enfin trouver chaussure à son pied, en rencontrant ceux qui ont fait du Paris des années vingt une fête mythique : Dali, Bunuel (auquel il souffle l’idée de son « Ange exterminateur « ), Picasso, Hemingway, Les Fitzgerald (dont il soulage la douleur de Zelda par un Valium), Gertrude Stein …

Pourtant dans ce film où tout semble fluide et coulant de source, comme lorsqu’on pédale le vent dans le dos, on retrouve les thèmes souvent graves du cinéaste : l’angoisse de la création, le manque de confiance en soi, l’inaptitude névrotique au bonheur, la nostalgie du « monde d’avant aujourd’hui » ...

Mais on les retrouve comme allégés.

Parce qu’assumés grâce à ce réconfort que pour affronter la vie dans sa part de réalité quotidienne souvent peu amusante il est bien de s’aménager une bulle imaginaire, à la fois fuite et refuge

Ce caisson de liberté dans « Midnight… » prend la forme de failles temporelles (**) qui transportent le héros des années en arrière, tout comme dans « The purple rose of Cairo » il permet à un personnage (qui, ô coincidence s’appelle aussi Gil) de sortir d’un écran de cinéma pour soutenir les fantasmes d’une admiratrice.

Le spectateur ne fait-il pas la même chose lorsqu’il se rend au cinéma : essayer d’échapper pour un moment à l’étroitesse de sa destinée ?

Béni soit Woody, et peu importe que sa route soit new-yorkaise, londonienne, parisienne, barcelonnaise et semble-t-il bientôt romaine, de nous amener à transcender la banalité itérative de tous les jours en se réfugiant dans un passé que l’on sait, au fond de nous, ne pas être plus « fortiche » que le présent.

Quand un Woody est bon, on a envie de lancer son chapeau en l’air, de claper des mains comme un phoque heureux et d’agiter l’encensoir de la renommée pour qu’autrui soit, lui aussi, contaminé par l’envie d’un moment de plaisir ludique et complice.

C’est pour cela que je (***) fais les trois à la fois : jeter le galure, assumer la claque et répandre l’encens. (mca)

(*) d’où l’allégresse de son avant-dernier opus « Whatever works »

(**) comme dans la comédie musicale "Brigadoon" de Vincente Minnelli
(***) ce qui ne fut pas le cas de Robert Guediguian, étonnamment rétif à la romance version classes aisées, reprochant à « Midnight… » son manque d’engagement social et politique : « Je me demande …. si Woody Allen pense aux smicards français ? Aux chômeurs ? A tous ceux que l’on qualifie selon leurs origines religieuses comme au temps glorieux de Pétain » in Libération du 14 mai 2011.