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MICHEL PETRUCCIANI

Michael Radford * (France/Allemagne/Italie 2011)

Michel Petrucciani, ses femmes, ses amis, ses fans

102 min.
2 novembre 2011
MICHEL PETRUCCIANI

Bizarre ! Alors que ce documentaire est truffé de bonnes intentions, soutenu par des archives de qualité, adossé à de nombreux témoignages et interviews (les épouses, les amis, les partenaires professionnels et l’intéressé lui-même) il s’en dégage quelque chose de l’ordre de la puissance du manque.

Ce quelque chose qui, à force de ne pas être nommé, déséquilibre ce portrait tout en lui conférant sa mystérieuse note d’émotion à savoir une mélancolie sourde qui, malgré la drôlerie et l’énergie affichées, est là, bien présente. Nichée au fond de deux yeux noirs et ardents.

Comme si entièrement subjugué par son personnage et l’envie de lui adresser une ode, le cinéaste refusait d’évoquer l’arrière-goût de tristesse qui se cache derrière l’intense appétit de vivre et les rires de celui qui « pétri de musique from body to soul » avait trouvé dans celle-ci de quoi reléguer en deuxième plan une souffrance.

A la fois physique et psychique qui pourrait être, malgré la notoriété et l’argent, la cause des multiples addictions sur lesquelles le regard du cinéaste se fait plus pudique que sur les besoins donjuanesques de son héros.

Michel Petrucciani est depuis sa naissance atteint d’une ostéogénie imparfaite, malformation plus communément connue sous le nom de maladie des os de verre. Il en mourra à 36 ans, n’ayant jamais dépassé la taille de Kirikou, après avoir brûlé par les deux bouts une existence dont il avait tiré le meilleur et le pire.

Le meilleur parce qu’il a fait de son handicap un atout - ses mains aux os légers avaient sur les touches du piano la vélocité aérienne de 2 hirondelles.

Le pire parce que ses démons étaient nombreux - drogues, alcools, une capacité au mépris et à la méchanceté, l’infidélité amoureuse (à grande échelle) …

Comme chacun d’entre nous, Michel Petrucciani est une énigme.

Il le restera après la projection.

Malgré le désir affiché du réalisateur de panégyriser un musicien qui fut de génie, malgré le rythme d’un montage jazzy, malgré les quelques voiles levés sur les ombres et paradoxes d’une personnalité hors du commun, le film ne réussit pas à rendre l’essence d’un talent travaillé (**) au point d’en devenir un destin.

Fait à la fois de la sublimation d’un handicap (**), d’une volonté d’en refouler la dimension mélodramatique et de rencontres inespérées - le saxophoniste Charles Lloyd, le trompettiste Clark Terry ….

 

Un destin qui aurait mérité d’être moins « sensationnalisé » » et plus analysé.

 

Pour les passionnés de Michel Petrucciani, le portrait que lui a consacré Frank Cassenti en 1983 est un must. (mca)

 

(*) documentariste réputé de la BBC auquel on doit le très beau "Il postino" avec Philippe Noiret & le vibrant Massimo Troïsi 
(**) « Au lieu d’être une bizarrerie, j’ai voulu être une exception. Je n’avais pas le choix » sic