Drame
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

MEURTRIERES

Patrick Grandperret (France 2005 - distributeur : Paradiso Filmed Entertainment)

Hande Kodja, Céline Salette

97 min.
30 août 2006

Les intros de films, comme celle des romans policiers (3 pages pour capter l’attention du lecteur disait Simenon), sont capitales. Elles donnent le ton à l’intérêt du spectateur.

Dans « Meurtrières », les premières images - la nuit, une route, une jeune fille au tee-shirt ensanglanté qui zigzague, une amie hagarde qui la suit un couteau à la main – plongent immédiatement le spectateur dans un état de tension. Comme celui qui accompagnait la course éperdue de Cloris Leachman dans « Kiss Me Deadly » de Robert Aldrich.

Grandperret, a été bien inspiré de délaisser ses projets télévisuels et notamment sa série sur les services secrets avec Stephane Freiss sur Canal +, pour saisir à bras-le-corps ce scénario (inspiré d’un fait divers des années mil neuf cent septante) de son maître Maurice Pialat et lui donner une forme radicale, sauvage et en même temps édifiante.

Deux jeunes femmes fragiles et solitaires se rencontrent quelque part sur les routes françaises, entre la Rochelle et l’Ile de Ré.
A la frange de la marginalité, ces héroïnes dont le destin, comme celui de leurs doubles
cinématographiques de « La vie rêvée des anges » oscille entre désir vague d’insertion sociale et
pulsions libertaires, sont des emblèmes d’une jeunesse en manque de repères et de structures.

Elle sont aussi un peu les clones de la Sandrine Bonnaire de « Sans toit ni loi ». Des clones qui ne se contentent pas de sombrement dériver mais qui captent, comme la terre le fait des rayons nocifs du soleil,
le tragique furieux de notre époque.

Nina est orpheline, elle est encore porteuse d’ une certaine innocence lorsqu’elle rencontre Lizzy la suicidaire-délurée. Happées par la mécanique implacable de mauvaises rencontres, un peu comme
Charlize Theron dans « Monster » elles vont s’en prendre à un chauffeur de taxi trop entreprenant
qui paiera pour tous ceux qui les ont humiliées.

Film à l’atmosphère étouffante, porté par deux actrices magnifiques - le mutisme de l’une est un puissant écho à la rage de l’autre - "Meurtrières" cerne, avec une justesse sans pathos, les malaises d’une société capable de faire jaillir d’un stock de blessures accumulées le geste de trop. Celui qui porté par une violence extravertie va détruire la vie d’autrui et ruiner les existences de celles qui en sont l’auteur.

Seul bémol à notre intérêt : une charge caricaturalement démonstrative des pouvoirs de l’argent et du sexe qui parfois frôle le réquisitoire de trop ou l’admonestation teigneuse.

Il est vrai que nous sommes dans une matrice Pialat et que le juste milieu n’était pas pour lui une valeur à prendre en compte. (m.c.a)

Site officiel du film : www.meurtrieres.com