Au bonheur des tout petits
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MECHE BLANCHE, LES AVENTURES DU PETIT CASTOR

Philippe Calderon (Canada 2008 - distributeur : CNC)

La voie d’André Dussolier

13 août 2008
MECHE BLANCHE, LES AVENTURES DU PETIT CASTOR

Que c’est rafraîchissant un film qui ne fait pas des effets spéciaux les effets rois (de manche ?) de sa narration..

Et pourtant au pays des Castors, dans le Grand Nord canadien, la vie ne se ronge pas avec insouciance.

C’est ce que va apprendre à ses dépens un jeune mâle, Mèche Blanche - parce que comme Jim Jarmush le destin l’a doté d’une particularité capillaire singulière - qui, entraîné loin de chez lui par la rupture d’un barrage, n’a qu’une idée en tête : retrouver les siens.

Dans sa monographie sur l’utilité à lire aux tout-petits (*) des contes de fées, Bruno Bettelheim insiste sur leur importance pour structurer au niveau symbolique le monde de l’enfant et lui permettre ainsi d’aborder le réel sinon sans peur du moins avec la confiance de pourvoir faire face à ses épreuves.

A ce point de vue, « Mèche blanche … » est une jolie réussite. Parce qu’il retrace une histoire simple dont les péripéties improbables aux yeux des adultes vont permettre aux bambins à partir de 3/4 ans, de vivre ce qu’ils redoutent - la séparation, les rencontres dangereuses - avec en point d’orgue un retour au foyer, enrichi d’une connaissance et reconnaissance de leur propre valeur.

Ce qui intéressant dans cette deuxième réalisation de Philippe Calderon (**) c’est de permettre au jeune spectateur, contrairement à la confiscation de son imaginaire par l’imagerie stéréotypée de la plupart des films qui lui sont destinés, de ne pas être happé, submergé par ce qu’il voit à l’écran.

Il conserve une sorte de libre-arbitre qui lui permet de s’évader du récit ou de s’y projeter en fonction de ses envies ou de ses reculs.

Ceci, à notre avis, pour deux raisons. Bien équilibrées et bien pensées.

D’abord avoir choisi de faire de « Mèche blanche » un compromis entre le documentaire et la fiction. Permettant ainsi de donner sens au récit à partir d’informations reçues identiquement par tous et d’une liberté laissée à chacun de se projeter comme il l’entend dans la partie inventée.

Ensuite le langage qui n’étant pas mis en retrait par rapport à l’image - la voix d’André Dussolier est à cet égard des plus efficaces - permet une alliance entre le conte raconté et le conte montré.

Donnant ainsi au mythique « Il était une fois… » une souplesse permettant à chaque enfant de s’adapter au film en fonction de son degré de maturité ou de développement psychique.

Les adultes accompagnateurs - peu sans doute viendront de leur propre gré - seront sensibles au côté « old fashion » de « Mèche blanche … ».

Retrouvant, outre le contentement d’une résistance à la mode des « pixels pixarisés » le plaisir visuel d’une nature magnifiquement filmée et la satisfaction de rafraîchir des souvenirs depuis longtemps remisés aux oubliettes des manuels scolaires.

Il se pourrait aussi que les moins cyniques ou ceux qui n’assimilent pas un zeste de mièvrerie (***) à un irrémissible défaut soient séduits par le charme au premier degré de ce sympathique « amik » (****) qui va (nous) apprendre que la meilleure défense contre la peur est l’intrépidité ingénieuse. (m.c.a)

(*) « La psychanalyse des contes de fées » paru aux éditions Pocket
(**) Débarrassée de la tension qui caractérisait son premier film animalier « La citadelle assiégée » - une termitière attaquée par des fourmis.
(***) Ni plus ni moins anthropomorphique que dans "La marche de l’empereur" de luc Jacquet.
(****) Le castor en langue algonquine. Pour l’anecdote, rappelons en cette période de folie beijing-oise (XXIV olympiade oblige) que le « castor canandiensis » fut la mascotte des JO de Montréal en 1976.