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MALCOLM & MARIE

Sam Levinson

John David Washington, Zendaya

106 min.
5 février 2021
MALCOLM & MARIE

Après la première de son film, le réalisateur Malcolm Elliott et sa compagne Marie rentrent chez eux, et passent la soirée à disséquer intensément leur histoire, leur couple et leur rapport à la création.

Sublime noir et blanc pour un film en demi-teinte

Malcolm & Marie est sublime, au sens premier et unique du mot. Le noir & blanc analogique allié au décor nocturne d’une somptueuse villa californienne n’est pas sans rappeler l’ambiance des clichés de Slim Aarons. La lumière chaude, feutrée, vient magnifier les acteurs : elle, absolument déifiée par sa robe métallisée, lui, dont la classe naturelle en est presque indécente. Même la musique, incessante par ailleurs, confère à l’atmosphère chic une ambiance sexy, quasi-victorieuse.

Malheureusement, au-delà de cette beauté photographique, le film se retrouve être une collection de scènes à la puissance variable, tenues bout-à-bout par leur cadre spatio-temporel (l’action se déroule sur une seule nuit, dans la maison), mais dont l’enchainement reste bancal. Les dialogues riches et percutants cèdent trop facilement leur place aux soliloques de Malcolm sur son statut de cinéaste, transformant ainsi un échange corrosif en une complainte unilatérale et autocentrée.

Malcolm & Marie : justement, heureusement

Malgré l’aspérité globale du film, sa force réside dans son casting qui offre une performance théâtrale et entière. Zendaya ne cesse de renforcer l’héritage artistique qu’elle construit : repérée sur Disney Channel, l’actrice se tisse une filmographie audacieuse et représente parfaitement la notion d’authenticité si longuement débattue dans Malcolm & Marie. Le film est sa deuxième collaboration avec Sam Levinson, créateur de la série Euphoria dont elle tient un des rôles titres, et dont son interprétation à vif d’une adolescente dépressive et toxicomane lui vaudra d’être la plus jeune actrice de l’histoire à remporter l’Emmy Award de la meilleure actrice principale, à seulement 24 ans.

Zendaya rend grâce à Marie, non seulement à sa beauté, mais surtout à ses victoires et ses actes manqués, en offrant au spectateur une prestation sans pudeur ni voyeurisme, mais au pouvoir surprenant. Son alchimie avec John David Washington, qui est bien plus que le simple détenteur de son patronyme (il est le fils de Denzel Washington), transperce la pellicule pour nous plonger avec eux, dans cette nuit exténuante.

Paradoxalement, c’est peut-être bien la perfection indéniable de ce casting qui rend le film si frustrant. On se laisse si facilement emporter dans le crescendo de la dissection de leur histoire, que chaque scène gravitant autour du film de Malcolm et de la nature d’un cinéaste nous éjecte de leur réalité, et ne semble que donner à Sam Levinson un prétexte pour valider ses propres pensées.

Pour résumer, je ne comprends que trop peu ce que le réalisateur a voulu raconter. Entre querelle amoureuse déchirante et passionnée, et plaidoyer sur la création, le film s’égare et noie ses scènes les plus poignantes dans un ensemble confus. A l’instar du personnage de Marie qui semble peiner à communiquer sa tristesse et sa frustration à son compagnon, le film s’échine à nous atteindre avec ce qu’on sent être un condensé de sensations qu’il est bien trop dur d’attraper.

(Dounia Haegel)