Coup de coeur mensuel
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Coup de coeurMADE IN DAGENHAM (selon mca)

Nigel Cole (GB 2010)

Sally Hawkins, Miranda Richardson, Rosamund Pike, Bob Hoskins

113 min.
9 mars 2011
MADE IN DAGENHAM (selon mca)

Il y a des films que l’on aime parce qu’on les trouve beaux. Ou bons.

Il y en a d’autres que l’on aime parce que tout simplement on les trouve efficaces.

Droits et honnêtes, ils vont leur bonhomme de chemin en dehors des ornières du pathos, de la mélodramatisation ou de tout message appuyé.

Ils ne visent pas à séduire par des prestations « primables » ou des recherches formelles.

Ils sont là sans autre nécessité apparente que de nous raconter quelque chose.

En l’occurrence un épisode de la vie sociale anglaise - la grève menée en 1968 par 187 ouvrières de l’usine Ford de Dagenham pour obtenir un salaire égal à celui de leurs collègues masculins.

Sa force est de ne pas jongler avec l’idéologie syndicaliste (Marx n’est cité qu’une fois et encore plus sous forme de boutade que de référence politique) ou féministe de l’époque (*) et c’est précisément dans ce manque d’intention propagandiste que se niche, peu à peu, chez le spectateur le besoin de réfléchir.

De prolonger ce qui lui est montré par ses réflexions sur l’ambiguïté du monde corporatiste, à la fois allié, otage et opposé à celui du patronat.

Sur les conséquences en cascade des revendications ouvrières lorsqu’elles aboutissent - court moment de victoire avant la reprise en mains du jeu par les entreprises qui, jamais à court d’imagination pour asseoir leur course au profit, répondront à tout projet d’augmentation de salaires par l’arme de la délocalisation.

Loin de tout projet moralisateur, opportuniste ou frondeur, « We made… » déplie sa profondeur et son actualité lentement.

 

Un peu comme le calicot fabriqué par les ouvrières qui après avoir suscité l’amusement par son slogan « We want sex » nous rappelle la gravité de l’enjeu lorsque entièrement déployé il ajoute à ces 3 mots celui qui continue, en ce début de siècle nouveau, à nous faire de plus en plus défaut : equality.

Porté par des actrices et des acteurs anglais dont le talent juste, débarrassé de toute pose exemplative ou illustrative, permet aux personnalités de se dessiner avec une proximité qui touche et incite au respect.

Le cinéma anglais offre cette particularité de pourvoir fédérer, par l’excellence de ses comédiens et la capacité d’aborder ses narrations avec une évidence faite de retenue et d’intelligence, les regards qu’il pose sur les couches sociales du pays qu’il représente.

Ainsi il y a quinze jours « The king’s speech » nous émouvait par sa royale détermination, aujourd’hui c’est le discours de Rita O’Grady, petite main dans une multinationale, devant une assemblée d’unionistes qui nous rappelle que le courage transcende toutes les hiérarchies.

Qu’avoir du courage c’est avoir de la grandeur. De la classe. Quelle que soit la modestie de celle que l’on occupe sur l’échelle de la société.

« Made in… » n’est pas un film, comme tant d’autres à l’affiche sur nos écrans, lyophilisé.

Il n’a besoin pour exister que de lui-même. Sans violence, projections misérabilistes, artifices ou recours à de sous-intrigues inutilement distractives.

Si vous lui apportez un regard attentif, vous verrez qu’il est, et peu importe qu’il soit réalisé par un homme - certains de ceux-ci ont un accès moins bridé que d’autres à leurs vibrations yin - un film paradigme de notre asbl CinéFemme.

Parlant des femmes, de leurs vies quotidiennes et de leurs combats avec autant d’émotion que de raison, de dignité que de force, d’optimisme que de subtilité, il s’adresse à tous les êtres humains.

Qui n’ont pas envie qu’on leur raconte des histoires. Mais une histoire. (mca)

(*) Pas une allusion aux célèbres "feministas" de la fin des années 1960 - Germaine Greer, Kate Millet ....