3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

Les Passagers de la nuit

Mikhaël Hers

Charlotte Gainsbourg, Emmanuelle Béart, Quito Rayon Richter, Noée Abita

111 min.
25 mai 2022
 Les Passagers de la nuit

Le film « Les passagers de la nuit » de Mikhaël Hers débute par des scènes de joie dans les rues de Paris , le soir de la victoire de la gauche, le 10 mai 1981. Dans une voiture une jeune femme, Elisabeth (Charlotte Gainsbourg) et ses enfants Judith (Megan Northam) et Mathias (Quito Rayon Richter) assistent en spectateurs à ces manifestations de liesse et rentrent dans leur appartement du quartier de Beaugrenelle, appartement déserté par le mari d’Élisabeth.
Comme dans tous les films de Mikhaël Hers, il y a au début la mort, la séparation, l’absence, (« Memory Lane », 2010 après la perte de l’insouciance) , (« Ce sentiment de l’été », 2015 après une vie fauchée en pleine jeunesse. (« Amanda », 2018, après la mort suite à un attentat dans le bois de Vincennes), l’idée d’une fin, le temps qui passe et à partir de ces formes de deuil, la construction ou la reconstruction. Parler du deuil dans le sens large du terme semble en effet un peu comme une obsession chez le réalisateur :
« Quand je me mets à écrire, ces thèmes de la séparation, de la disparition, se présentent toujours d’une manière ou d’une autre. J’essaie de le traiter d’une manière qui soit orientée vers la vie, dans le sens où même les périodes de deuil sont traversées par la vie ».
Dans ce film, le début c’est la séparation à partir de laquelle Elisabeth va se reconstruire : abandonnée, blessée, détruite, Elisabeth trouve cependant les ressources pour se prendre en charge et heureusement, sans beaucoup de difficultés arrive par se faire engager comme standardiste à la Maison de la radio, dans son émission favorite, « Les Passagers de la nuit », émission de nuit animée par Vanda Dorval (Emmanuelle Béart) à l’écoute des personnes perdues de la nuit. Et lors de ces nuits , elle fait la rencontre de Talulah, (Noée Abita), jeune fille toxico sans toit ni attaches qu’elle décide d’héberger.
A la maison, les enfants grandissent. Judith prend son envol, Mathias écrit de la poésie, Elisabeth se crée une vie et la vie continue…. En fait, Elisabeth, le personnage le plus meurtri, se révèle peu à peu, malgré sa fragilité, le pilier de la famille : la caméra s’attache à nous faire sentir les émotions de chacun, les moments vécus simples ou plus douloureux, le temps qui passe. Le récit semble simple et pourtant le spectateur sent qu’il est traversé de non-dits, de peines, d’angoisses.
Les passagers de la nuit c’est aussi une époque , celle des années 80 comme l’explique Mikhael Hers : « L’idée du film, c’était de faire ressentir l’époque. Pour ça, on a essayé d’inventer une forme avec mon chef opérateur, où on a mélangé différents formats d’images, différentes tessitures d’images. Là, effectivement, c’était une manière d’essayer d’immerger le spectateur par la forme pour lui donner à ressentir cette sensation des années 1980 ». C’est aussi une ville, Paris, filmée dans le quartier de Beaugrenelle avec ses grandes esplanades et ses hautes tours (on pense aux tours du film « Les Olympiades ») très emblématiques de la période. Zone résidentielle et commerciale, située en front de scène dans l’ouest Rive Gauche, elle s’élève devant la maison de la Radio, là où Elisabeth se rend la nuit pour écouter les âmes seules. Référence sans doute à « L’Ami américain » (1977) de Wim Wenders, dont une grande partie se passe dans ce quartier.
Le film c’est aussi la nuit qui englobe tout , la plus part des scènes s’y déroulant avec la musique si présente des années 80. Le film c’est enfin la merveilleuse interprétation de Charlotte Gainsbourg toute en finesse, douceur, délicatesse et vérité. Une immense actrice qui illumine le film et le propos de son réalisateur qui décrit sa marche vers une forme de renaissance.
Il n’ y a rien de mièvre ni de facile dans « Les passagers » de la nuit « . Il y a l’art du réalisateur de décrire les émotions avec sensibilité et pudeur qui permet , selon ses mots , d’« Atteindre la vérité en passant par la périphérie. »
Ne ratez pas ce film ; Laissez vous envouter par sa simplicité et sa profondeur
France Soubeyran