A voir avec les ados
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Coup de coeurLES GEANTS

Bouli Lanners (Belgique 2011)

Marthe Keller, Zachérie Chassériaud, Paul Bartel, Martin Nissen

84 min.
12 octobre 2011
LES GEANTS

Les films de Bouli Lanners ce sont des injections, à parts égales, de tendresse et de mal-être. De drôlerie et de fragilité.

Comme dans un jardin sauvage, ils sont faits un peu de tout, d’ herbes folles, de chiendents et de renoncules.

Bouli c’est de la couleur, celles des peintres de l’école de Barbizon qui aimaient la nature et la vie au grand air, celle aussi des ciels étirés et nuageux d’Eugène Boudin, de Wim Wenders ou de Gus Van Sant.

Celle plus mystérieuse de juxtapositions pointillistes et impressionnistes qui, par la subtile vibration de leurs touches, proposent quelque chose qui dépasse le visible. Ouvrent les yeux sur des possibles que chaque spectateur teintera selon son ressenti - spectre large allant de l’espoir à la tristesse, de la perspective d’échapper à un destin cabossé à celle de s’y enliser.

Il y a un côté Saint Exupéry chez ce metteur en scène (ultra sympathique) qui fait de ses personnages des « petits princes » perdus sur une planète désertée par les parents, abandonnée à des adultes qui n’offrent aucune cadre structurant ou protecteur, privée de réponse rassurante ou réconfortante.

Petits princes qui pour devenir « Géants » ne pourront compter que sur eux-mêmes, sur l’amitié qui les lie et sur cet allant qui porte les adolescents à se projeter dans le futur sans nécessairement savoir où celui-ci les conduira.

Seth et Zack, deux frères, s’assument seuls, en marge de tout repère familial ou social. Ils font la connaissance de Dany, un électron libre, qui deviendra très vite leur ami. Un ami-à-la-vie-à-la mort comme on en a à cet âge carrefour entre une enfance que l’on soupçonne ne pas avoir été très heureuse et un avenir plus lesté de questions que de certitudes.

Chez Lanners, l’humanité se décline, comme le format du film, en scope. Le passage vers la puberté est une aventure. Jalonnée, comme dans les contes, de rencontres et d’épreuves à valeur initiatique - une femme (une énigmatique Marthe Keller) et sa fille handicapée, des déménageurs-voleurs, des escrocs qui dealent, des voisins bizarres …

Les bois et les rivières semblent habités d’une âme qui fait défaut à la plupart des humains, ils offrent à la fois refuge, apaisement et envol vers autre chose qu’une réalité quotidienne tissée de doutes, de précarités et de tromperies.

Ce qui est géant dans cette 3ème réalisation d’un cinéaste à la wallonitude enchanteresse (*), outre sa belle interprétation, c’est une bande son magnifique.

A la fois hommage à l’unité de la Belgique parce qu’elle est due à des musiciens flamands, le « The bony king of nowhere » et facteur de qualité +++ qui ajoute au plaisir de la vision le bonheur de l’audition.

Qui double l’émotion de mélancolie et de singulière douceur. 

 

Après deux prix à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2011, "Les géants" ont été distingués au festival du film francophone de Namur - Bayard d’or de la meilleure interprétation pour le trio Chassériaud/Bartel/Nissen et celui de la meilleure photographie pour Jean-Paul de Zaeytijd.  (mca)

(*) à laquelle il donne an "american touch" - les forêts du Montana et les bayous de la Louisiane