Drame sentimental
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Coup de coeurLES FILLES DU BOTANISTE

Dai Sijie (France/Canada 2005 - distributeur : Victory Films)

Mylene Jampanoi, Li Xiaoran

105 min.
10 mai 2006
LES FILLES DU BOTANISTE

Si elles étaient nées quelque part en Europe au XXIe siècle, elles auraient pu se pacser, se marier, adopter. Nées en Chine elles sont condamnées à la clandestinité, à la prison ou à la mort.

Elles, ce sont deux jeunes filles qui vivent dans les années 1980.
Min, orpheline, est envoyée, pour y apprendre les secrets des plantes, sur une île où habitent un botaniste veuf et sa fille, An, dont il se sert comme bonne à tout faire.

Dans cette île au jardin luxuriant, qui n’est pas sans rappeler les parfums de celui dans lequel l’Abbé Mouret a failli (Zola « La faute de l’abbé Mouret »), Min et An vont découvrir à la fois les pouvoirs curatifs / maléfiques de l’herboristerie et les délices / tourments des amours saphiques.

Nous ne sommes pas dans un roman photo à la David Hamilton ou dans un porno soft à la Just Jaeckin mais dans une histoire à la résonance tragique dans laquelle si deux corps se rejoignent, c’est autant par faim physique et affective que par désir de liberté.

Pour ces jeunes filles, en butte à l’autorité intransigeante d’un père ou à la violence d’un mari
(Min a accepté d’épouser le frère de son amante afin de rester près de cette dernière), s’aimer c’est trouver un réconfort – ou un rempart ? – contre la brutalité des hommes.
Faut-il nécessairement exclure l’idée de voir en celle-ci le symbole d’une puissance et d’une cruauté plus large, comme celle de la Chine lorsqu’elle était sous l’emprise de Mao et qu’elle soldait à 10 yuans (le prix de la balle) le corps d’un condamné à mort.

Dai Sijie n’est pas leurré par une certaine image triomphaliste de la Chine moderne - il a été un des millions de rééduqués de la Révolution Culturelle (« Balzac et la petite tailleuse chinoise »). Il est conscient de son arc-boutement sur des traditions obsolètes dont celle de l’ homophobie qui l’a empêché de tourner « Les filles du Botaniste » in situ, le contraignant à trouver au Vietnam son jardin et ses décors naturels.

L’écriture cinématographique de Dai Sijie est à l’image d’une certaine iconographie chinoise,
vaporeuse et esthétisante dans la présentation du jardin qui, au fil de l’histoire, devient presque un personnage de la narration tel un Eden d’avant la chute.
Et en même temps elle s’ancre dans une réalité politique et sociale terre à terre : Min sait que son mari, militaire, ira rejoindre sa garnison au Tibet ; An, fidèle à l’image patriarcale d’une Chine
pourtant en voie de modernisation, continue à couper les ongles des pieds de son père.

Film d’amour, « Les Filles » rappelle que lorsque celui-ci s’éprouve entre personnes du même sexe, il reste dérangeant (comme dans « Brokeback Mountain » et « Unveiled ») et que pour brider cet hors-norme il peut apparaître nécessaire de le punir avec une sévérité excluant toute tolérance. (m.c.a)