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Coup de coeurLee Miller

Ellen Kuras

Avec Kate Winslet (Lee Miller), Alexander Skarsgard Roland Penrose), Andrea Riseborough (Audrey Withers), Marion Cotillard (Solange d’Ayen), Andy Samberg (David E.Scherman) , Josh O’Connor (Antony Penrose)

116 min.
9 octobre 2024
Lee Miller

« Lee » retrace la vie de la photographe légendaire Lee Miller (1907-1977). Une période bien précise de sa vie, entre 1938 et 1948.
Le film ne s’intéresse pas à la première partie de sa vie, où elle a été notamment mannequin à New York et élève, muse et amante de Man Ray. Un documentaire de Teresa Griffiths de 2020 lui est consacré.
Le film est mis en scène par le détour d’une conversation (imaginaire) avec son fils, Antony Penrose, incarné par Josh O’Connor.
On démarre juste avant la seconde guerre mondiale où, dans une France insouciante, Lee (Kate Winslet) fréquente Paul Eluard (Vincent Colombe), son épouse Nusch (Noémie Merlant) et Solange D’Ayen (Marion Cotillard), directrice de la publication de Vogue France.
C’est un esprit inventif, à l’humour dévastateur, femme dure, cassante, incisive. Une cigarette et un verre à la main, elle parle sans détours, nourrie d’une liberté de mœurs et de pensée.
Elle lutte pour accéder aux espaces interdits aux femmes. Elle se bat avec la hiérarchie militaire pour aller au front et rejette de toutes ses forces les barrières du machisme.
En 1942, Lee Miller devient correspondante de guerre pour Vogue UK. Elle est soutenue en cela par la rédactrice en chef de Vogue UK, Audrey Withers (Andréa Riseborough).
Elle voyage dans toute la France, couvre la libération de Saint-Malo, celle de Paris et enfin l’effroyable découverte des camps de concentration de Dachau et de Buchenwald.
Elle immortalise d’abord Londres sous les bombes, puis les blessés en Normandie avant de participer à certaines batailles où elle force l’accès.
Elle est sur place lors de la découverte des camps d’extermination et ses clichés sont parmi les plus célèbres aujourd’hui.
Ellen Kuras, dont c’est le premier long-métrage, s’y connaît en photo. Elle a déjà été nommée aux Oscars pour son documentaire « The Betrayal » comme directrice de la photographie.
Elle puise son sujet dans le livre d’Antony Penrose, le fils de Lee, « The lives of Lee Miller ».
Le film, bien que trop long, ne manque pas d’ampleur, de sens du détail historique mais est très traditionnel dans sa forme.
Kate Winslet incarne Lee Miller. Présenté en ouverture du Festival de Deauville, produit par et avec Kate Winslet dans le rôle-titre, elle tient le film de bout en bout. Les autres personnages sont bien secondaires, à part la rédactrice en chef de Vogue UK, Andréa Riseborough, formidable actrice, et son ami David Scherman, l’excellent Andy Samberg.
Le film a le mérite cependant de mettre en évidence le travail de Lee Miller et souligne les luttes internes dans les publications féminines pour que les femmes soient prises au sérieux, dans un monde noyé par la misogynie. Les iniquités, tout comme les prédations auxquelles sont soumises les femmes, sont les thèmes récurrents.
Les passages les plus forts sont coupés court. On reste sans voix. De l’humour est apporté notamment grâce au personnage de David Scherman. Les joutes verbales sont d’ailleurs une vraie réussite.
Un aspect cependant, montré mais non nommé, est la dépendance de Lee Miller à l’alcool jusqu’à un âge avancé.
Son fils, dans une entrevue au Guardian en 2016, déclarait pourtant que Lee était arrivée à bout elle-même de cette dépendance.
Elle avait tout fait pour cacher à son fils cette partie de sa vie, minée par des blessures anciennes et secrètes. C’est lorsque Antony Penrose découvre son travail que Lee Miller accède à une certaine notoriété posthume.
On ne peut s’empêcher de penser que ce film vient bien à point dans une Amérique et une Europe bien gangrénées déjà par la montée de l’extrême-droite et du fascisme, nourries notamment par la désinformation. Les droits des femmes, acquis bien difficilement, sont déjà touchés, régressent dans certaines régions du monde, des projets sont en gestation, la plus grande méfiance est de mise.
Pour terminer, une citation de Simone de Beauvoir à l’écrivaine Claudine Monteil : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devez rester vigilantes votre vie durant ».

Drossia Bouras