Adaptation d’un livre
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LE SCAPHANDRE ET LE PAPILLON

Julian Schnabel (France 2007)

Emmanuelle Seigner, Marie-Josée Croze, Anne Consigny, Mathieu Almaric

112 min.
23 mai 2007
LE SCAPHANDRE ET LE PAPILLON

Lors de la conférence de presse qui a suivi la projection du film au Festival de Cannes, Mathieu Amalric a posé la question qui, selon la réponse que chacun y apporte, donne ou dénie au « Scaphandre… » son sens et sa dignité : suis-je un escroc d’utiliser le malheur de quelqu’un ?

Suite à un accident cardio-vasculaire, Jean-Dominique Bauby est muré dans son corps par un locked-in syndrome. Il va se servir de sa seule paupière valide pour communiquer avec autrui et dicter les 130 pages d’une étrange biographie qui tient à la fois de la bouée de sauvetage et de l’hymne à la vie.

Ceux qui ont été surpris du succès populaire remporté par ce livre et réticents à entrer dans le jeu de l’admiration quasi inconditionnelle qui s’ensuivit, seront vraisemblablement tout aussi décontenancés par l’engouement pour le film qu’en a tiré Julian Schnabel. Qui a reçu lors du palmarès du festival précité le prix de la mise en scène….peut-être parce comme le constate laconiquement un des personnages de « Honkytonk man » de Clint Eastwood « Quelqu’un qui meurt ça plait au public »

Enthousiasme émotionnel qui peut, à la rigueur, se comprendre à la lumière des angoisses tapies au fond de chacun de nous et qui ne demandent qu’à être apaisées - ce que ne manque pas de faire l’histoire de cette dégradation physique transmuée, par la grâce d’une acceptation sereine, en dépassement de soi.

Mais enthousiasme pervers parce qu’il réduit l’objet même du cinéma (*) à une édifiante étude de cas qui, certes peut se revendiquer d’une authentique réalité, mais qui finalement bute sur la difficulté de représenter, avec simplicité, une douleur silencieuse.

Trop de caméra subjective, trop de voix off, trop de contrastes entre un passé insouciant et un stoïque présent, trop d’applications à bien faire dans le jeu des acteurs, trop d’artificialité dans un parti pris esthétisant, trop d’idéalisation féminine. Ce qui, avec la misogynie, est l’autre branche de l’alternative laissée à celui qui a cessé de séduire.

On se prend à rêver à l’économie de moyens, minimaliste mais exigeante, avec laquelle était effleurée l’essence de ce qui restait de vie à Joe Bonham dans le film de Dalton Trumbo « Johnny got his gun ». Pas de cadrages sophistiqués, pas d’exhibitionnisme doloriste. Pas de dispositif scénique pesant.

Juste un essentiel qui donne à un drame, ce qui manque à « Scaphandre… » : de la chaleur humaine. (m.c.a)

(*) Je m’abstiendrai de dire, pour rester dans les limites d’une décence de bon aloi, ce que je pense du système parfaitement mis au point par notre société mercantile et voyeuse pour tirer profit d’une tragédie en y braquant les projecteurs d’une médiatisation qui ratisse large - du livre au film, du film au DVD, du DVD à la TV câblée, du câble au prime time du dimanche soir. Pour finalement sombrer dans l’océan d’indifférence qui engloutit toute œuvre excessivement démonstrative.