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LE PROCES GOLDMAN

Cédric Khan

Arieh Worthalter, Arthur Harari, Stephan Guérin-Tillié, Nicolas Briançon, Jerzy Radziwilowicz.

115 min.
4 octobre 2023
LE PROCES GOLDMAN

Amiens. Avril 1976. Second procès de Pierre Goldman, déjà condamné une première fois à perpétuité pour quatre braquages dont l’un a entraîné la mort de deux pharmaciennes. Goldman reconnaît trois braquages mais clame depuis le début son innocence dans l’attaque de la pharmacie.
C’est ce procès que Cédric Khan reconstitue, au plus près du réel, des mots et de l’ambiance.
Un lieu clos. Nous ne sortons jamais du tribunal. Mais un lieu clos qui résonne de tous les bruits du monde. Car l’accusé, Pierre Goldman, né le 22 juin 1944 à Lyon de parents juifs polonais résistants, en danger de mort donc, s’est construit d’abord autour de la mémoire vénérée, transmise par son père, de la résistance menée en France par des Juifs au sein du mythique Ftp-Moi, Francs-Tireurs et Partisans – Main d’œuvre immigrée. Plus tard, au cours de ses pérégrinations, Goldman militera aux Etudiants Communistes, séjournera régulièrement en Pologne auprès de sa mère, rejoindra Cuba et plus tard la guérilla vénézuélienne.
De la militance au banditisme, pourquoi ? Comment ? Rédigé en prison, "Souvenirs obscurs d’un Juif polonais né en France" est une autobiographie, un périple, un plaidoyer, un pamphlet parfois. Ecrit dans une langue percutante, d’une précision exigeante, ce récit dessine le portrait d’un individu complexe et fascinant, et donne quelques pistes pour comprendre l’étonnante dérive de l’auteur.
Le film de procès est un genre, mais rarement on a connu une telle rigueur, une telle intensité, tout y est, mais pas un geste ni un mot de trop. Une tension permanente, par moments une sorte de film chorale, lorsque la caméra s’attarde sur les différents groupes. Les jeunes gauchistes, nombreux, fervents, bien dans l’air de ce temps-là, encore utopique ? Les Antillais aussi, une communauté que Goldman a quasi intégré, fasciné par la langue créole et les musiques des Caraïbes, persuadé aussi de partager un sort commun, Juifs et noirs, même racisme. Et que dire des acteurs ! Arieh Worthalter, charismatique, habite totalement son personnage, multiplie les registres, plaide, provoque, avec un seul leitmotiv "Je suis innocent parce que je suis innocent". Arthur Harari, l’avocat Kiejman, n’est pas en reste, et inattendu, Jerzy Radziwilowicz, venu du cinéma de Wajda, en père de Goldman.
Avec son vocabulaire de l’époque, où l’on disait encore "nègre" et non "noir", le film parle aussi de notre temps, du racisme toujours aussi exacerbé à la police ou ailleurs, mais aussi de la communauté juive polonaise en France, de son histoire, du poids de la Shoah et de la deuxième génération, comme Goldman et Kiejman, toujours pas indemne.
Hors écran : Trois ans après sa sortie de prison, devenu journaliste, Pierre Goldman est abattu, de dos, dans la rue, le 20 septembre 1979. L’assassinat est revendiqué par un groupe d’extrême droite "Honneur de la police". Les assassins n’on jamais été retrouvés…

Tessa Parzenczewski