LE PRESTIGE

« Le prestige » est un film à tiroirs comme ces doubles fonds dans lesquels les magiciens font disparaître leurs partenaires en illusion avant de les faire réapparaître.

Le tiroir le plus apparent est celui d’un affrontement (qui aurait gagné à être plus haletant), dans le Londres du début du siècle dernier, entre deux prestidigitateurs surdoués mais animés d’un esprit revanchard.

Le mi-apparent est un exposé méticuleux de la procédure qui balise les séances de magie : 3 étapes qui, du prélude au prestige en passant par l’exposition, jouent avec la capacité d’attention du spectateur.

Le sous-apparent est une habile réflexion sur l’émerveillement auquel doit tendre toute forme d’art en ce compris le cinéma dont les effets spéciaux sont les descendants des trucs des illusionnistes.

L’espace scénique est occupé par quatre acteurs, chacun jouant avec plus ou moins de conviction sa part dans ce thriller dont l’enjeu est d’emblée clairement défini : qui détiendra le tour ultime, celui dont le secret restera à jamais impénétrable ?

Christian Bale, tordu et énigmatique comme d’habitude (« American psycho » de Mary Harron « El Maquinista » de Brad Anderson) est le sorcier de l’histoire : celui qui introduit le factice dans le réel.

Michael Caine, grandiose comme souvent, est le technicien du spectacle. Celui qui veille à maintenir un semblant de rationalité dans un monde d’apparences.

David Bowie, que l’on retrouve avec joie (*) et étonnement en raison de sa surprenante ressemblance physique avec James Fox, est l’inventeur prêt à toutes les folies. Il est celui qui n’hésite pas à transgresser les limites physiques du possible

Hugh Jackman (un des X-Men) est le magicien du récit, celui qui dupe le spectateur avec une honnêteté qui le distingue de son rival engoncé dans des entourloupes et faux-semblants qui le poussent même à troquer son identité de noble pour le pseudonyme de Danton, celui-même qui réclamait la tête des aristocrates.

« Le prestige », inspiré d’un best seller de Christopher Priest, réunit aux commandes de la réalisation et du scénario les deux frères Nolan (comme dans le magnétique « Memento »).

Il fait la part belle au besoin de secret qui pousse les enfants à utiliser dans leur correspondance de l’encre sympathique, les aficionados du « Da Vinci Code » à parcourir Paris un déchiffreur à la main, et les magiciens à consigner leurs trucs sous une forme incompréhensible aux non-initiés.

Et surtout il rappelle que ce qui fonde la réussite d’un tour est tout autant l’imagination créative de l’illusionniste que la capacité du spectateur à être distrait. Cette distraction qui, par extension, est devenue de nos jours synonyme de divertissement, voire de loisir. Ce que justement le 7ème art est pour beaucoup d’entre nous (m.c.a)

(*) après une si longue absence des écrans - 7 ans de silence depuis « Mr.Rice’s secret » de Nicholas Kendall