Déception
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LE BRUIT DES GLACONS

Bertrand Blier (France 2010)

Myriam Boyer, Anne Alvaro, Jean Dujardin, Albert Dupontel

87 min.
8 septembre 2010
LE BRUIT DES GLACONS

Quand le film de Bertrand Blier, « Les Valseuses » sort en 1974, Michel Duran dans Le Canard Enchaîné estimait "qu’il fallait être vraiment c… pour ne pas aller le voir".

On peut reprendre la formule pour son dernier film mais en la renversant comme suit " il faut être vraiment c… pour aller le voir".

Depuis longtemps déjà la seule chose réjouissante dans le cinéma de celui qui a lancé, avec insolence et génialité, les carrières du duo DD (Depardieu – Dewaere) c’est l’idée. Le concept. Au départ toujours saugrenu. Et à l’arrivée (souvent) enlisé dans une trivialité de potache ringard et/ou moralisateur.

Dans « Le bruit … » le saugrenu ne fait pas dans la dentelle. Puisqu’il orchestre la rencontre entre un écrivain et son cancer.

 

Après tout, pourquoi se refuser le plaisir de donner forme à ce qui fait question, à ce qui fait peur ? Mister Death a été inventé par Terry Jones dans un des sketches de "The meaning of life", Woody Allen était un spermatozoïde dans « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe » et Walt Disney a eu l’intuition de donner à la conscience l’allure chapeau claque de Jiminy Cricket.

Chez Blier, celui qui vous accroche en vous saluant d’un ricanant « Bonjour, je suis votre cancer » (*) c’est Albert Dupontel. Celui-là même qui dans le film de Jean Becker "Deux jours à tuer" se cachait pour mourir de la même maladie…

L’hôte c’est Jean Dujardin, un plumitif plus accroc à bouteille qu’au stylo et dont la prestation semble sinon métastasée du moins grevée de variations de tonus rares chez cet acteur dont la roborativité goguenarde était jusqu’à présent légendaire.

En écho à une interprétation de ce nouveau couple DD (Dujardin-Dupontel) sous morphine, le développement narratif est sans ressort, sans vie. Comme s’il était mort-né, amputé de l’allant verbal et de la colère anarchique auxquels le réalisateur nous a habitués. Et ce n’est pas le rebondissement en fin de parcours qui réussira à les ressusciter.

Reste la déclinaison d’un fantasme bliériste : la découverte de la tendresse avec une femme qui n’est pas de rêves mais de ménage. Mais là aussi la surprise n’est pas au rendez-vous - Fellini et Simenon (qui a terminé sa vie avec sa gouvernante) ou encore Bergman ont fissuré depuis longtemps la non nécessaire rime entre l’apaisement des sens et la beauté physique, entre la générosité et la classe sociale (**).

Même si la sympathie de Blier pour le vulgaire, la provoc mâtinés d’un intérêt sans compassion ou illusion pour les paumés est toujours présente, leur dilution dans des dialogues pathétiques, ringards plus théâtraux (***) que cinématographiques finit par engourdir.

Et à donner envie d’aller se dégourdir. Loin de toute cette histoire qui, à force de confondre le rictus et la causticité - on pense au traitement que Pierre Desproges réservait à son "crabe" - ne réussit pas à trouver son souffle de fable métaphorique.

 

Qui bien vite se transforme en farce creuse. En glaçons qui ne tintent pas. (mca)

 

(*) Dans "Les côtelettes" la phrase-trompette était adressée par Michel Bouquet à Philippe Noiret " Bonjour, je viens pour vous faire ch ..."

(**) "Trop belle pour moi" de Blier et "Cris et chuchotements" du Maître suédois dans lequel seule la gouvernante est capable de pacifier les angoisses d’une agonisante.

(***) à partir du 9 septembre le réalisateur sera présent au théâtre Antoine à Paris avec sa nouvelle pièce "Désolé pour la moquette" dans laquelle le désespoir concourt avec la haine pour évoquer un autre cancer. Celui de la pauvreté.