Coup de coeur
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Coup de coeurLAND OF MINE

Martin P. Zandvliet

Roland Møller, Mikkel Følsgaard, Laura Bro, Joel Basman, Leon Seidel, Louis Hofmann

100 min.
25 janvier 2017
LAND OF MINE

C’est avec une terrifiante sobriété que Land of Mine, film multi-primé et nominé aux Oscars dans la catégorie « meilleur film étranger », nous dévoile une partie aussi sombre que méconnue de l’histoire danoise. L’actrice Laura Bro, venue recevoir à Tournai en janvier 2016 les deux prix remportés par le film dans le cadre du Festival Ramdam, confiait d’ailleurs : « Lorsque j’ai lu le scénario, j’ai été glacée d’effroi car c’est un fait de l’histoire dont on ne parle évidemment pas dans les manuels scolaires et qui est, pourtant, une enfreinte claire aux conventions de Genève. »

Quelques jours après la capitulation de l’Allemagne nazie en mai 1945, 2000 jeunes prisonniers de guerre allemands ont été remis aux autorités danoises avec ordre d’enlever plus de deux millions de mines que l’armée nazie avait enfouies sous le sable le long de la côte ouest du Danemark. Ce sont dans des conditions effroyables que ces jeunes, qui au fond n’étaient encore que des enfants, ont déminé les plages à mains nues en rampant dans le sable et en crevant littéralement de faim sur place.

Dès le premier plan, c’est sans concession que Martin Zandvliet met violement en scène la haine danoise à l’égard de l’ennemi nazi. Une haine animée d’un sentiment de revanche viscérale, certes compréhensible de la part d’un sergent qui a pris les armes mais qui deviendra de moins en moins évidente lorsqu’il se verra confier la charge de commander une bande de gamins, otages d’une guerre dont seul leurs aînés sont les réels instigateurs. Car c’est bien là tout le propos du film qui s’inscrit très subtilement en filigrane et se révèle avec une force progressive : comment a-t-on pu envoyer volontairement au casse-pipe des adolescents qui avaient été enrôlés de force dans un conflit dont les motifs, les enjeux et l’idéologie les dépassaient totalement ? Les vainqueurs gagnent-ils réellement la guerre lorsque la houle de leur arrogance et l’écume de leur revanche engendrent l’humiliation de victimes innocemment vaincues ?

Land of Mine ne déroge pas à la réalité tragique de l’Histoire car rares ont été ces jeunes à s’en sortir indemnes. Pourtant, le réalisateur parvient, avec un glaçant réalisme, à surprendre le spectateur en déjouant systématiquement ses « attentes » les plus angoissées.

Si l’on ajoute à la force dérangeante de son sujet, l’économie austère des décors (des plages désertiques, glaciales et hostiles), la parcimonie cinglante des dialogues ainsi que la justesse du casting [1] et sa direction sans failles, Land of Mine cumule un nombre de qualités impressionnantes pour un film réalisé par un cinéaste autodidacte.

(Christie Huysmans)

[1On notera que le jeune acteur allemand, Louis Hofmann avait déjà été récompensé en octobre 2015 en Belgique lors du Festival du Film Historique de Waterloo pour sa prestation dans Freistatt (Sanctuary) de Marc Brummund, film multi primé dans ce même Festival.