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LA TORTUE ROUGE

Michael Dudok de Wit
80 min.
29 juin 2016
LA TORTUE ROUGE

Un naufragé échoue sur une île déserte, qui compte pour seuls habitants des crabes, des oiseaux et des tortues. Explorant ce territoire vierge de toute âme humaine, il aura à se confronter aux éléments naturels et à extraire, s’il veut survivre, les bienfaits que lui offre ce petit bout de terre esseulé au milieu du grand océan. Bille en tête, il tentera de construire le radeau qui, il l’espère, lui permettra de quitter l’île. Cependant, en dépit de son indéfectible persévérance, tout semble se liguer contre lui, et un étrange animal marin fera tout pour l’empêcher de sortir de son isolement.

Primé au Festival de Cannes 2016 dans la catégorie « Un Certain Regard », ce film d’animation réalisé par le néerlandais Michael Dudok de Wit, dont c’est le premier long métrage, se profile d’ores et déjà comme l’un des incontournables de ce début d’été. Première collaboration entre le studio japonais Ghibli et un studio étranger, le film s’est offert la contribution artistique d’Isao Takahata, dont le talent s’était brillamment illustré dans « Le Tombeau des Lucioles ».

Grande et belle fable sur la Vie et ses cycles éternels, La Tortue Rouge revisite les grands mythes communs à toute l’humanité au-delà de tout antagonisme culturel et religieux. Délesté d’une vision manichéenne et dichotomique du monde et de l’Homme, ce film transcende les contraires à travers une prodigieuse épure, et les ré-harmonise avec une infinie tendresse. Il nous rappelle ainsi avec un mélange de décontenancement et d’émerveillement que si chaque médaille a son revers, tout revers a également sa médaille, et que celui qui semble a priori notre pire ennemi peut aussi se révéler notre meilleur ami.

À la fois simple et profonde, onirique et réaliste, cette parabole touchante et poétique emporte petits et grands vers un voyage initiatique et pacificateur, qui remonte aux sources de la Sagesse. Truffé de références légendaires, bibliques ou taoïstes desquelles seule la dimension symbolique a été retenue (et dont de nombreux contes populaires et philosophiques se sont d’ailleurs inspirés), le film embrasse à cœur ouvert la destinée humaine et la rend accessible à tous les publics.

Désentravé de l’imperfection des mots de laquelle découlent souvent maintes interprétations fallacieuses, ce film d’animation, dénué de toutes paroles, nous invite ainsi à remonter le temps et à reconsidérer la Vie avec un langage universel : celui d’une pensée primitive qui, s’exprimant à travers les gestes et le dessin, parle avec le corps et va droit à l’essentiel.

Offrant une multiplicité de niveaux de lecture, cette sacrée Tortue Rouge, symbole par excelle d’une sagesse qui arbore la couleur de l’Amour, est une invitation métaphorique à la réconciliation : réunion de l’homme et de la femme au cœur d’un paradis terrestre qui n’est jamais totalement perdu (Eve n’est pas ici considérée comme celle qui a concouru à la déchéance de l’homme ; que du contraire…), entente entre l’Humanité et la Nature, réconciliation de l’animalité et de l’immatérialité intellectuelle propres à l’âme humaine et au sein de laquelle la divine trinité cœur, corps et esprit trouve enfin la paix, et enfin, rencontre cyclique entre la mort et la (re)naissance.

(Christie Huysmans)