Xenia Rappoport, Michele Placido
Avec "La Sconosciata", Tornatore change de registre. Le "Cinema Paradiso" devient le "Cinema Inferno".
Irena est une jeune ukrainienne qui tombe sous l’emprise d’un réseau de débauche tarifiée auquel - elle l’apprendra par les coups - on n’échappe pas.
Film d’envergure, « La sconosciuta » scrute, sans langue de bois et illusion-tampon-à-l’horreur, les plaies d’un trafic qu’une modernité cynique et crapuleuse a remis en circulation : celui de la traite d’êtres humains de sexe féminin.
Immonde commerce qui inclut celui des nouveaux-nés enlevés à leur mère parce qu’ils sont lucrativement monneyables sur le marché de l’adoption. Francesca Comencini avait déjà abordé ce douloureux problème des enfants-foetus dans son poignant " A casa Nostra".
Entre le personnage principal et le spectateur s’érige une couche d’effroi qui s’épaissit au fur et à mesure que le récit se complique et s’enfièvre dans les méandres d’une quête hésitant entre le fantasme de maternité, le thriller (*) et le gore soft.
Par flashes stroboscopiques - dont certains mettent physiquement mal à l’aise autant qu’ils questionnent les limites de la conscience de chacun face à ce retour, dans les rapports hommes/femmes, d’une forme d’esclavage - le contraste s’installe entre la passivité du passé d’Iréna et sa volonté actuelle de s’en sortir.
La jeune Xenia Rappoport, dans ce rôle ambigu à la fois dur et en miettes, est magnifique. Elle est au centuple ce que Monica Belluci avait été dans « Malena » du même Tornatore : victime mais pas soumise. Humiliée mais pas asservie. Offensée mais jamais vassalisée.
A l’heure où l’on célèbre le centième anniversaire de la naissance de Simone de Beauvoir, on se rend compte que le « Castor » aurait, en 2008 plus à faire et à manifester qu’en 1949, l’année de la parution du « Deuxième sexe », pour rappeler que femme et dignité sont des concepts pairs.
Il est bien que des Cinéastes - Lukas Moodysson "Lilja 4-ever", Cronenberg "Eastern promises" - dénoncent les liens qui se tissent, sordides et souvent impunis, entre immigration et prostitution. Il est bien qu’ils le fassent la main droite fermée en coup de poing et la main gauche (parfois) ouverte sur l’espoir.
Il serait encore mieux que les Politiques se saisissent du problème et y apportent, sans émotion mais avec détermination, une réponse qui réconcilierait les termes d’évolution et d’humanité. (m.c.a)
(*) La bande son due à Ennio Morricone, par ses quelques notes-échos à celles du « Psycho » d’Alfred Hitchcock, empoigne à bras-le-corps et aiguise quand il le faut une tension qui ignore le mot « relâche ».