Cinéphile
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LA SAVEUR DE LA PASTEQUE

Tsai Ming-Liang (France/Taiwan 2005 - distributeur : Cinéart)

Lee Kang-sheng, Lu Yi-ching, Chen Shang-chyi

115 min.
11 janvier 2006
LA SAVEUR DE LA PASTEQUE

En automne 2004, je découvrais, à Flagey, ce cinéaste étonnant tant par son discours que par sa technique cinématographique originale à travers 4 de ses films dans lesquels il pleuvait beaucoup.

Avec « La saveur » changement d’atmosphère : la sécheresse sévit à Taiwan, une sécheresse extrême contraignant les habitants à se désaltérer par tous les moyens.

Cet intérêt pour les atmosphères climatiques renvoie à la soif d’amour dont chacun des héros de Tsai souffre. L’amour qu’ils pensent trouver dans des relations sexuelles crues qui ne font que les renvoyer à leur solitude, leur tristesse et leur vide intérieur que rien ne vient étancher.
Gainsbourg l’avait déjà chanté il y a plus de 20 ans : l’amour physique est sans issue.

Ne restent dès lors que les fantasmes soutenus par des films pornographiques – le héros du film [Lee Kang-shen qui, jusqu’à présent, est de tous les films du cinéaste / couple parfaitement synchro faisant penser à celui de Kaurismaki et de Matti Pellonpaa] est un acteur de film X.

Profession choisie avec adéquation puisqu’elle permet au cinéaste d’approfondir sa réflexion à savoir : en quoi le sexe avec amour se différencie-t-il du sexe sans amour ?

Tsai est le chantre de l’étirement (plus que de la lenteur) des images, ce qui permet à celles-ci de satisfaire la pulsion scopique innée du spectateur et de poser avec méthode sa technique de travail consistant à représenter métaphoriquement une scène de coït sans montrer le sexe des acteurs.

Le traitement précis et sans fard des relations sexuelles peut justifier un effarouchement du spectateur peu habitué à cette franchise du regard mais si ce premier degré de vision est dépassé, il peut lire dans ce cinéma un questionnement d’ordre universel : est-il possible de combler le fossé qui nous sépare de l’autre et nouer avec lui une relation intime ?

« La saveur… » (mais au fait la pastèque a-elle vraiment une saveur ?) occupe, à mes yeux, une place privilégiée dans l’histoire du cinéma taiwanais car il tente de raccorder une modernité de réflexion avec ce qui fut, dans les années 50-60, un genre prisé par la maison de production Cathay : la comédie musicale asiatique.
C’est sans doute pour cela que le générique final se déroule sur un standard arrangé de Fred Astaire « I like the way you are » qui colore le film d’une touche d’espérance inattendue. (m.c.a)