Coup de coeur
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Coup de coeurLA MAREA

Diego Martinez Vignatti ( 2007 - distributeur : Entre chien et loup)

Eugenia Ramirez Miori

80 min.
12 septembre 2007
LA MAREA

La mer peut-elle panser la mère ? Ou de l’infinitude d’un deuil.

Pendant que la rentrée littéraire est enkystée d’une polémique engagée par Camille Laurens contre Marie Darrieussecq, la première reprochant à la seconde d’avoir trouvé dans son histoire personnelle racontée dans « Philippe » (*) la substance de son ouvrage « Tom est mort » (**), sort discrètement, sur l’écran d’une des plus exigeantes salles de cinéma de Bruxelles, le « Flagey », un film magnifique, poème à la fois visuel et sauvage sur un chagrin. Celui d’une femme dont le fils et l’ époux sont morts dans un accident de voiture.

Le point commun entre ces trois artistes est une tentative de donner vie à la même souffrance, celle d’une jeune femme confrontée à la disparition d’un enfant et à ses errances pour tenter de se reconstruire. Seule et volontairement solitaire.

Loin du tintouin français et de son questionnement sur les limites de la légitimité de l’imagination - que Madame Laurens qualifie de "plagiat psychique" -, presque sur la pointe des pieds, Diego Martinez Vignatti nous confronte à la dureté d’un travail de deuil, rythmé par les bruits lancinants d’un océan qui a parfois la couleur du prénom de l’héroïne : Azul.

Avec « La marea », nous sommes dans un autre cinéma que celui d’une histoire racontée par des mots. Ce n’est pas la parole, ressentie comme inutile, qui donne au film son épaisseur, mais les images et les sons.

En alliance naturelle, ils excavent, lentement, chez le spectateur un trou d’émotions, écho à celui dans lequel s’enlise une jeune femme qui, quoiqu’elle essaye d’y faire face, sait intuitivement que les pentes de l’affliction, contrairement à celles de la tristesse, ne se remontent pas.

Film-matière comme l’était le silencieux et moite « Los muertos » d’Alonso Lisandro, « La marea » à quelque chose d’éternel et de d’inapprivoisable. Posant, sans jamais la formuler, cette essentielle question - chère aux Romantiques - : la nature peut-elle consoler de l’inconsolable ?

Les paysages désolés et superbes, la cabane de plage déglinguée où se retire Azul - sa tour de stylite -, le chien qu’elle recueille, les gestes modestes du quotidien, remparts fragiles contre l’égarement mental, sont là, bien présents. Captés dans toute leur densité (***) et pourtant étrangement (implacablement ?) extérieurs à sa détresse.

Quand le malheur est ressenti comme un crève-cœur tout ce qui pourrait l’apaiser n’est-il au fond qu’un leurre ?

Une très intéressante interview de Diego Martinez Vignatti par Niels Ruëll est parue dans le magazine « Agenda » du 5 septembre 2007. Le réalisateur sera présent à Flagey les 14 et 16 septembre à respectivement 20.00 et 18.00 heures. (m.c.a)

(*) paru aux éditions POL
(**) paru aux éditions POL
(***) fruit sans doute de sa collaboration avec son compatriote, l’argentin Carlos Reygadas dont il fut le chef opérateur sur "Japon" et " La batalla en el cielo"