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LA LOI DE TÉHÉRAN

Saeed Roustayi

Payman Maadi, Navid Mohammadzadeh, Parinaz Izadyar

131 min.
4 août 2021
LA LOI DE TÉHÉRAN

« La Loi de Téhéran » est un constat glacial d’une réalité peu connue de l’Iran d’aujourd’hui : celle d’une société iranienne gangrénée par la corruption et ravagée par l’usage de drogues dures.
« La loi de Téhéran » est axé autour d’une enquête policière sur le réseau du crack qui décime les populations à une vitesse vertigineuse à telle enseigne que "6,5" est le titre original du film, se référant aux 6,5 millions d’Iraniens accros à cette drogue.
Le film qui plonge le spectateur dans l’univers du crack dès les premières images se présente comme un haletant thriller. Le scénario est construit comme une tragédie en deux actes, opposant deux figures antagonistes.

La première partie suit un flic aux méthodes brutales, Samad (Payman Maadi), à la recherche d’un chef de file de la drogue, Naser Khakzad (Navid Mohammadzadeh) jusqu’à la traque finale.
Une fois le criminel capturé, la deuxième partie du film s’attache à la personnalité de Naser Khakzad, qui, jeté en prison, comme des centaines d’autres drogués, explique la misére dans laquelle il a vécu, et, par-là, les racines sociales de la criminalité.

Mais « La loi de Téhéran » est loin de n’être que cet affrontement rude entre flic et voyou de haut niveau. Il s’agit d’un tableau froid et magistral de la réalité sociologique de Téhéran qui montre une société urbaine totalement désorganisée entre les bidonvilles, les terrains vagues, les tuyaux de béton où s’amoncelle une population miséreuse, les familles où chaque membre est devenu « dealer » y compris les femmes qui cachent la drogue sous leur voile ample, une police et une justice impuissantes où le chantage, les tentatives de corruption, la violence sont la loi. Si la société est gangrénée, les rapports humains le sont aussi comme le montre la scène des larmes d’un enfant accusé à tort par son père d’être le dealer, scène qui nous rappelle que les principales victimes sont les enfants. Autant de réalités méconnues de l’européen pour lequel l’Iran se résume souvent à la peinture d’une société vivant sous la loi islamique des mollahs.

Les dernières images du film sont terrifiantes avec les pendaisons de criminels de la drogue à la chaine obéissant à la loi de Téhéran qui punit de peine de mort toute personne se livrant au trafic de drogue, que l’on ait 30 g ou 50 kg sur soi.
La démonstration est énergique, sans aucun temps mort ni rupture de rythme, les images ciselées, les acteurs incroyablement crédibles.

Film qui tient à la fois du thriller, du film de genre, du polar, du documentaire sociologique : oui, il est tout cela mais comme l’explique Saeed Roustayi : "En tant qu’artiste, je ne fais pas le choix de faire un film de genre ou d’en adopter les codes. Peut-être aurai-je le désir de tenter cela un jour, mais je ne l’ai encore jamais fait. Je crée mon scénario et mon film sans me poser ces questions. C’est à posteriori que ce type de classification se fait. Ce qui est certain, c’est que cette dimension dramatique ou de suspens, ou proche de tel ou tel genre, provient de la force de l’histoire découlant directement de la réalité".

Un film suffocant, puissant, à surtout ne pas manquer.

(France Soubeyran)