Ecran Total
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LA FETE DU FEU

Asghar Farhadi (Iran 2007 - distributeur : Ecran Total)

Hedieh Tehrani, Taraneh Alidousti, Hamid Farokh-Nejad

104 min.
25 juin 2008
LA FETE DU FEU

Le premier « Inédit » de l’Ecran Total - ces 10 semaines qui courent du solstice d’été au premier jaunissement des feuilles et qui sont, avec leurs 8 films quotidiens, le plus enivrant des toboggans vers le plaisir combiné des yeux, du cœur et de l’esprit des cinéphiles - est toujours un moment attendu avec impatience.

A quelle rencontre invitera-t-il ? Sera-t-il annonciateur d’une « colorature » de saison ou un simple électron libre, reflet d’un coup de cœur des programmateurs ?

Pour le savoir, l’idéal est évidemment de voir toutes les nouveautés proposées - elles sont douze cette année et certaines très alléchantes « Juventud en marcha » de Pedro Costa (*), et de tisser entre elles l’hypothèse d’une intention commune.

« La fête du feu », troisième long métrage et premier distribué chez nous de la jeune cinéaste iranienne Asghar Farhadi est intriguant à plus d’un titre.

Notamment parce qu’il s’inscrit dans une modernité vaudevillesque et boulevardière - l’homme, la femme, la maîtresse - à laquelle, gavé d’images d’un Iran fanatisé, déchiré et peu féminisé, le spectateur occidental pense peu sinon jamais.

Que Feydeau se décline aussi à Téhéran est en soi un invariant universel - les faiblesses de la chair ne connaissent ni les frontières de la religion ou de la politique - mais le rappeler non pas sous une forme symbolique ou métaphorique [ce que font souvent les réalisateurs perses les plus connus (**)] mais au niveau d’une réalité trivialement déclinée est une surprise.

Surprise telle que le bruit de pétards qui sonorise la journée durant laquelle l’intrigue se noue et se dénoue au fil d’échanges aigres-doux entre des époux, avant d’être identifié comme tel est perçu comme un probable fond sonore d’attentat dans un pays connu pour son intranquillité.

Rouhi va bientôt se marier. Elle passe une journée chez un couple pour y faire le ménage et devient, d’abord malgré elle et puis de plus en plus curieuse, le témoin du différend sentimental qui oppose ses « patrons ».

Occasion pour la cinéaste de porter un regard, loin de toute morale ou jugement, sur des personnages féminins tiraillés entre jalousies, peurs et envies d’indépendance.

Si un petit côté "Femmes au bord de la crise de nerfs" peut agacer, reste une approche intéressante d’une souffrance et des effets collatéraux et manipulatoires de celle-ci sur ceux qui l’observent - l’enfant et l’aide ménagère.

Tous deux devant apprendre à composer avec le mensonge et les sous-entendus, à quitter le confort d’une certaine insouciance pour appréhender le monde et ses inévitables tensions relationnelles.

Sans nécessairement être le moyeu qui actionne la dynamique du récit, le regard direct porté sur les différences de classe - la bourgeoisie moyenne qui vit en ville versus la jeune servante qui vient du village - souligne que, même dans un Iran en mutation, la domesticité reste taillable et corvéable à merci.

Le film repose, à l’image de la burqua qui s’enroulant autour de la roue d’une mobylette la déstabilise, sur de petits gestes, détails ou attitudes qui, rompant avec le rythme d’une mise en scène précise, soulignent que l’inattendu et le doute font aussi partie du chemin de la vie. Et le rendent en conséquence chaotique.

Il y a quelque chose dans la fraîcheur impressionnable de l’actrice Taraneh Alidousti (Rouhdi) qui rappelle un titre de film d’Hitchcock « Young and innocent. ».

Etat éphémère appelé à disparaître sous les coups du réel. Comme les feux de la fête le sont sous les coups de l’horloge.

"La fête du feu" a obtenu le Prix Spécial du Jury 2006 pour le meilleur scénario au Festival des 3 Continents de Nantes (m.c.a)

(*) Pour le reste, consulter le programme sur www.arenberg.be
(**) Abbas Kiarostami, Jafar Panafi, Mohsen Makhmalbaf