LA CHASSE

Connu pour « Festen » qui remporte le prix du jury à Cannes en 1998, Thomas Vinterberg, co-fondateur du mouvement Dogme (*) aux côtés de Lars Von Trier, n’a pas eu une carrière ascendante comme son collègue, et ses films suivants sont pour la plupart passés inaperçus.

Avec « La Chasse », Vinterberg renoue un peu avec le succès de ses débuts. Présenté à Cannes cette année, le film ou plutôt l’acteur Mads Mikkelsen y a remporté le prix d’interprétation masculine.

« La Chasse » apparaît comme l’antithèse de « Festen » : alors que le premier traitait des ravages occasionnés par des abus sexuels demeurés secrets, le second montre les dégâts provoqués par une rumeur d’abus sexuel qui prend des allures démesurées. Dans le premier, les parents sont des monstres envers leurs enfants, dans le second ils sont surprotecteurs au point de refuser d’envisager l’éventualité que les enfants ne disent pas toujours la vérité.

« La Chasse » traite du poids et de l’importance des mots. La parole, même celle d’un enfant, peut être mensongère. Les conséquences de cette parole peuvent être dramatiques et détruire complétement la vie de quelqu’un.

A cause d’une rumeur mensongère, Lucas, un homme amical qui travaille dans un jardin d’enfants, devient soudain le bouc émissaire, la bête noire que tout le village pourchasse. L’hystérie générale gagne ceux qui étaient jusque là des amis proches, des copains de chasse et de beuverie, des collègues de travail.

Une narration très efficace, une tension dramatique qui s’installe progressivement et maintient le spectateur en haleine, mais surtout une direction d’acteurs exceptionnelle démontrent que le prodige qui avait réalisé « Festen » à l’âge de 29 ans ne mérite pas l’oubli dans lequel il était tombé ces dernières années (années où il n’a pourtant pas chômé) et qu’il n’est certainement pas le réalisateur d’un seul film.

Drame psychologique remarquable, « La Chasse » tire une conclusion très dure : une fois le mal fait, plus moyen d’y échapper, car même innocenté par la police, Lucas ne l’est pas aux yeux de sa communauté et restera toujours un suspect. Devra t’il toujours être aux aguets tel un animal traqué ?

Nadia Vodenitcharov

(*) Le mouvement Dogme ou Dogme 95 a été fondé en 1995 et « Festen » est le premier film réalisé selon ses principes.