Pour un samedi soir
1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s)

L’OR NOIR

Jean-Jacques Annaud (France/Quatar 2011)

Frieda Pinto, Antonio Banderas, Tahar Rahim, Mark Strong

129 min.
25 janvier 2012
L'OR NOIR

Qui est aux commandes ?

Le réalisateur ou son producteur, Tarak Ben Ammar ?

Question qui taraude le spectateur et finit par tranformer le dernier film de Jean-Jacques Annaud en objet suscitant plus de perplexité que d’intérêt.

Inspiré du roman de Hans Ruesch « The arab » (*), « L’or noir » raconte, à l’aide d’une grammaire narrative peu nuancée, la rivalité de deux émirs dans les années 1930 sur fond d’enjeux économiques liés à la découverte de gisements pétroliers dans une région désertique du Moyen-Orient.

Si le spectateur flaire très vite la volonté première du metteur en scène, renouer avec le cinéma spectaculaire et grand public de ses premières œuvres ("Seven years in Tibet", "L’ours" ...) il renifle tout aussi vite une intention dérangeante derrière ces images.

A l’esthétisme lourd, plombé par une interprétation sans relief et surligné par une musique qui semble ne poursuivre qu’un but - faire un copié-collé sirupeux de celle, majestueuse, de Maurice Jarre dans « Lawrence d’Arabie » de David Lean.

Une intention dérangeante parce qu’au service d’une idéologie qui oppose deux convictions (deux religions ?) avec un parti pris pour un islam modéré aussi utopique que naïf : celle d’un Coran présenté comme éclairé, humaniste, tolérant et celle d’un Dollar présenté comme cupide, violent, prêt à tout.

Ce manque de recul, asséné à la masse sans humour ou second degré, irrite par sa dimension caricaturale et exaspère par le prosélytisme de son message - un peu comme si l’essentiel du point de vue n’était pas dans le champ visuel mais dans son contre champ invisible qui consolide l’idée dans l’air du temps (**) d’un Islam soucieux avant tout de démocratie et de progrès.

Cette lutte entre Rolex, cupidité et désir de modernité à l’occidentale d’un côté, chameaux, foi et authenticité de la tradition de l’autre ferait sourire si elle ne renforçait le danger d’aborder un sujet d’importance capitale - le pétrole n’a pas suscité que des films ("There will be blood", "Geant") mais aussi des guerres - avec aussi peu de mise en perspective que de profondeur.

Deux manques qui confèrent à ce qui se veut une épopée lyrique et romancée une incrédibilité absurde.

Ne réussissant jamais à faire décoller son propos, à lui donner un rythme, à prendre de la hauteur dans le débat qui de tout temps a opposé les progressistes aux conservateurs.

Bref à faire un film qui vaut son pesant … d’or. (mca)

(*) qui est à la rigueur du "Ibn Seoud, la naissance d’un royaume" de Benoist-Méchin ce que le diesel est à l’octane 98 sans plomb.

(**) le tournage de « L’or noir » a commencé quelques semaines seulement avant l’immolation du jeune Bouazizi (le 17 décembre 2010) l’événement considéré comme le portail de la Révolution Arabe.