Edward Norton, Paul Giametti, Jessica Biel, Rufus Sewell
Est-ce parce que leur rapport au réel est multiple, tantôt opaque tantôt transparent, que Cocteau les appelait « les hommes aux mille mains » ?
Les magiciens, illusionnistes, et autres prestidigitateurs ont la côte depuis quelque temps.
Harry Potter aurait-il été un lanceur de mode ? Celle des tours de passe-passe qui nous confrontent, de Poudlard à Londres "Le prestige" en passant par Nice "Le héros de la famille", à la dualité de l’intelligence humaine divisée entre croyance et doute.
Vienne au début du XXe siècle, l’illusionniste Eisenheim est amoureux de la fiancée de Léopold l’héritier (fictif) du trône austro-hongrois.
Les deux hommes ne sont pas que des rivaux sentimentaux, ils représentent chacun un mode de pensée métaphysique et politique difficilement conciliables.
L’un est un rationaliste convaincu, proche d’une certaine pensée scientifique, l’autre défend l’irrrationnel et n’hésite pas à faire apparaître et parler les morts.
L’un représente l’arrogance de l’establishment, l’autre a l’esprit frondeur et individualiste de ceux qui ne s’autorisent que d’eux-mêmes.
Entre des ceux modes de pensée, un go-between, Uhl un inspecteur de police sommé par le prince jaloux de surveiller son adversaire.
Sont à mettre au crédit de ce film l’habile agencement de flash back qui sert de fil conducteur au scénario, une impeccable reconstitution d’époque et un Edward Norton qui, en adepte du « less is more » est très convaincant.
« The illusionist » fait la part belle à un magnifique travail sur la lumière (**), tantôt franche tantôt escamotée, comme si elle rendait avec pertinence le mystère des trucs d’Eisenheim et leurs effets pourtant bien visibles par les spectateurs.
La couleur sépia, la musique de Philip Glass, le recours pondéré au numérique confèrent au film une aura qui oscille entre imaginaire et réel.
Neil Burger - et ce n’est pas le moindre de ses mérites - propose, à travers une histoire de facture classique soutenue par un romantique suspense, une image de la Mittel Europa de François-Joseph qui évoque par sa délicate mélancolie, la morosité des romans de Joseph Roth ou d’Arthur Schniztler.
Cette époque où les illusions en une pérennité dynastique s’effritaient parce que la personnalité de ceux qui l’incarnaient avait cessé d’hypnotiser les Viennois. (m.c.a)
(**) Dick Pope – directeur photo sur « Vera Drake » et « Secret and lies » de Mike Leigh