Drame sentimental
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L’HOMME DE SA VIE

Zabou Breitman (France 2006 - distributeur : les Films de l'Elysée)

Léa Drucker, Charles Berling, Pascal Campan

114 min.
11 octobre 2006
L'HOMME DE SA VIE

A l’égal d’un chœur antique qui anticipe et suit les bruissements de corps et de coeurs des héros de la tragédie grecque, la progression de la narration de « L’homme de sa vie » sera scandée par un vent qui ne cessera jamais de souffler.

Comme pour souligner les replis secrets, les dérangements - et chacun sait que la force du vent se décuple dans les endroits clos - suscités par le sentiment amoureux.

Mais au fait s’agit-il vraiment de sentiment amoureux ou plutôt d’éveil au désir, de cette lente et corrosive prise de conscience (*), comme l’écrivait implacablement madame de Staël, que « son âme criait dans la mienne » ?

Frédéric est marié à Frédérique avec laquelle il a un enfant. Il passe ses vacances en famille dans la Drôme. Il est apparemment heureux jusqu’au moment où il rencontre Hugo, un graphiste homosexuel dont la nonchalance volontairement libertine cache, comme dans les nouvelles d’Edmund White, un « écorché vif ».

Sa vie jusque là conforme aux normes de la bienséance sociale va perdre de sa facile transparence. Il deviendra un homme déchiré entre confusion et nécessité, s’il veut assumer son envie d’une existence moins contrôlée, de se dissocier d’une épouse à l’ombre fusionnelle de laquelle il vivait, sinon heureux, du moins apaisé.

Les acteurs sont épatants. Charles Berling, habitué à twister entre féminité et virilité depuis sa prestation de transsexuel dans la représentation théâtrale de « L’année des 13 lunes » de Fassbinder et son dépucelage par Stanilas Merhar dans « Nettoyage à sec » d’Anne Fontaine, connaît sur le bout des doigts sa partition.
Bernard Campan, en hétéro un peu balourd confronté à l’indicible des émotions, renvoie aux oubliettes définitives ses attitudes caricaturales prisées du temps où il était « Inconnu ».

Léa Drucker, et c’est l’excellente surprise du film, est lumineuse à souhait. Même blessée, elle garde, contrairement à la Julianne Moore de « Far from Paradise » de Todd Haynes, une envie de comprendre et un espoir de « récupérer » la situation qui émeuvent.

Le seul bémol à cette intéressante histoire est une tendance immaîtrisée à la prolixité. Tant sur le plan du fond - trop de chemins de traverse atomisent l’attention – que de la forme qui asphyxie l’elliptique du récit sous un fatras d’afféteries stylistiques.

Pour son troisième long, si Zabou se souvient que les belles choses se suffisent à elles-même, ce sera la certitude d’une réussite annoncée. En tout cas, dès à présent, elle a brisé le monopole de Nicole Garcia d’avoir été longtemps la seule à porter sur les hommes un regard dont la tendresse n’exclut pas la lucidité. (m.c.a)