Virtuel
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L’AUTRE MONDE

Gilles Marchand (France 2010)

Louise Bourgoin, Pauline Etienne,Grégoire Leprince-Ringuet, Melvin Poupaud

104 min.
18 août 2010
L'AUTRE MONDE

Pourquoi se refuser le plaisir de rendre hommage à Pierre-Paul Renders et à son film "Thomas est amoureux" ? L’un et l’autre n’ayant pas été salués par le public et la critique comme le méritait leur intuition à avoir touché du doigt ce qui allait devenir la marque (la plaie ?) d’une époque : le virtuel et ses pièges manipulatoires.

Il existe entre Thomas et Gaspard, le héros de « L’autre Monde » un point commun, plus important que les différences qui les séparent. Tous les deux voient leur vie bouleversée par l’irruption d’une « image d’écran » destinée à devenir le support de leurs fantasmes sexuels et destructeurs

Même si on se rend compte très vite que « L’autre ... » n’a pas la puissance d’ "Avalon" de Mamoru Oshii - cette référence incontournable de qualité en matière de monde alternatif – on se laisse aisément capter par cet univers de noman’s land propre aux jeux video.

L’adolescence, et ce n’est pas un scoop, est parfois un flirt avec ses tendances suicidaires. James Dean dans "Rebel without a cause", Kirsten Dunst dans "Virgin suicides", John Moulder-Brown dans "Deep end".

C’est devant les pixels de son écran de PC que Gaspard décide, après avoir répondu à un SMS qui ne lui était pas destiné, de rencontrer une jeune femme l’invitant à mourir de concert en lisière de « Black hole », un jeu en ligne.

Faisant le pari un peu fou de se couler dans le mode binaire du fonctionnement des ordinateurs, Gilles Marchand choisit de dualiser sa mise en scène d’ombres et de lumière.

Et de créer entre ses personnages féminins et masculins un lien oppositionnel qui, peu à peu, emprisonne le joueur, contamine sa vie réelle ou rend le retour à celle-ci problématique.

En dépit d’une certaine puérilité ou artificialité inutile, « L’autre .. » est un film auquel des références cinématographiques assumées (David Lynch, Brian de Palma) et une exploration, jusqu’au raptus, de la mince frontière entre insconscient et imaginaire confèrent épaisseur et intérêt.

Il y a dans cette réalisation quelque chose de vertigineux. De l’ordre de la mise en abyme du tableau de Norman Rockwell dans lequel on voit un peintre se peindre en se regardant dans la glace.

De l’ordre de la perte de liberté d’appuyer sur la touche « stop » d’un jeu qui vous emmène au-delà de vos repères. Au-delà de vous-même (mca)