Berlinale 2019
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L’ADIEU A LA NUIT

André Téchiné

Catherine Deneuve, Kacey Mottet Klein, Oulaya Amamra

103 min.
24 avril 2019
L'ADIEU A LA NUIT

Le printemps est aux portes du verger de Muriel (Catherine Deneuve), vaste espace verdoyant, qui jouxte son centre équestre et qu’elle parcourt en compagnie de son associé Youssef. Les cerisiers sont en fleur, ils frissonnent au gré d’une légère brise. Ce paysage bucolique est à l’image de l’humeur ensoleillée de la propriétaire des lieux, qui se réjouit de l’arrivée d’Alex (Kacey Mottet Klein), son petit-fils, qui vient passer quelques jours chez elle avant de s’envoler vers le Canada. Progressivement, l’atmosphère s’assombrit, le silence s’installe, le disque solaire perd de sa superbe et s’éclipse derrière la lune faisant ainsi place aux ténèbres.

C’est sur cette métaphore visuelle que s’ouvre le dernier film d’André Téchiné, présenté hors compétition à la Berlinale 2019. Préfigurant les évènements qui suivront, cette image symbolique éclaire avec une funèbre beauté le thème central du film : le désemparement d’une grand-mère confrontée à la radicalisation de son petit-fils, séduit, de manière assez inexplicable, par l’obscurantisme d’un combat qui prospère sur le champ de l’ignorance.

Si le sujet a d’ores et déjà été maintes fois traité au cinéma, André Téchiné l’aborde avec justesse et sobriété en privilégiant l’intime et en évitant d’apporter des réponses frontales à la problématique qu’il pose. Les interrogations que suscite ce drame contemporain sont subtilement distillées, sans aucune démonstration de force ni pathos démesuré. Que du contraire, car, face à une telle situation, c’est l’impuissance qui domine, et ce, bien plus que la confrontation idéologique. Impuissance à comprendre rationnellement les motivations d’un revirement « spirituel » qui, somme toute, se développe sur le désarroi et la confusion à un âge critique (l’adolescence), prospère sur l’absence de pensée ainsi que sur une vaste litanie de superstitions, alimentées par la crainte et l’espoir, lesquelles tiennent pour certain ce qui ne peut l’être. Impuissance à agir seul face à un mal dont on ignore encore pleinement toutes les causes. Sans doute car celles-ci ne sont pas seulement à chercher dans le seul individu mais se sont enracinées dans un contexte socio-politique bien plus vaste et bien plus ancien que l’on ne pourrait le soupçonner.

Néanmoins, si l’obscurité s’abat et déstabilise sa protagoniste, il n’en demeure pas moins que Téchiné s’abstient de tout désespoir, comme l’indique d’ailleurs le titre de son film.

L’Adieu à la Nuit ne peut certes être qualifié de grand film mais il fait néanmoins œuvre utile.

Christie Huysmans