Comédie stylée
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KABOOM

Gregg Araki (USA 2010)

Haley Bennett, Roxane Mesquida, Juno Temple, Thomas Dekker, Chris Zylka

86 min.
8 décembre 2010
KABOOM

Quand le cœur fait boom, les sens, tous en éveil, font kaboom.

C’est ainsi que le réalisateur réussit à enjôler les spectateurs. Du moins ceux qui intuitionnent que pour accéder à l’univers parallèle, étrange et bigarré du cinéaste rien ne vaut le lâcher-prise.

Lâcher-prise qui suscite d’abord un temps d’adaptation à remue-ménage visuel et ensuite seulement un intérêt. Comme si le cortex n’était invité à se déplier que parce que le cerveau reptilien était chamboulé.

Avec Araki la nuit ne s’enchaîne pas nécessairement au jour. Il est une sorte d’homme-orchestre qui crée, à partir de ce qui pourrait paraître n’importe quoi, des films bigrement cohérents dans lesquels il filme des peines et des éclats de cœur.

Présenté dans la section Un Certain regard lors du dernier festival de Cannes, « Kaboom », d’une texture moins classique et moins sombre que « Mysterious skin », a remporté la première Queer Palm.

Une palme aussi queer que joyeuse.

Le décor : un campus universitaire en apparence plutôt quelconque mais en coulisses plein de chausse-trappes apocalyptiques. Smith est amoureux de Thor, son colocataire. Néanmoins il accorde ses faveurs à London (une fille…) pendant que sa meilleure amie Stella tombe dans les bras de Lorelei.

On l’a compris, rien qu’en repérant les prénoms des personnages, que l’œuvre n’est pas de tout repos. Qu’elle a ce quelque chose de wagnérien, de mouvementé, d’agité qui repose sur une action qui mêle rêves, délires et fantasmes.

Les dialogues, comme des balles de ping-pong échangés entre de bons partenaires, ont une vivacité psychédélique qui sidère et séduit.

Comme chez Xavier Nolan, le sexe offre des plaisirs dont l’euphorie est proportionnelle à leur intensité décomplexée.

Gay, hétéro ou bi, toutes et tous sont en quête d’eux-mêmes. Quête qui ratisse large. Du romantisme au morbide, du narcissisme exhibitionnisme et irresponsable à la prise de conscience (politique ?) que, plus encore que la vénération de l’argent, le carburant premier des Etats-Unis c’est la paranoïa.

Cette hantise du complot qui en fait dérailler plus d’un et attise chez les autres une énergie réactive qui stimule ou fatigue - suivant l’âge des spectateurs.

Parlons en de l’âge. Arakki est en andropause, ce qui chez lui n’est pas synonyme de ... pause. C’est toujours avec le même punch, le même brio que ceux qui infusaient à « The doom genration » et « Nowhere » cette impression que le cinéma a été inventé pour substituer à la réalité un autre monde où tout est possible.

On peut évidemment invoquer la passion du cinéaste pour ses maîtres, David Lynch et De Palma.
On peut aussi attribuer son imagination ovnique à un carburant qui avait aidé, l’inventeur du style gonzo, Hunter S. Thompson (*) à se débrider les neurones.

Même si le film est hilarant, on peut douter que cet adjuvant n’ai été que du poil à gratter … (mca)

(*) dont le « Las Vegas parano » a été adapté au cinéma par le baroque Terry Gilliam.