Chronique dramatique
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JINDABYNE

Ray Lawrence (Australie 2006 - distributeur : Cinéart)

Laura Linney, Gabriel Byrne

123 min.
22 août 2007
JINDABYNE

« Jindabyne » est une petite ville du Sud Est australien, close sur une malignité faite de secrets qu’elle ignore mais qui, comme une disposition au cancer, n’attend qu’une occasion pour se réveiller.

Quatre amis, en route pour un week-end de pêche, découvrent le corps d’une jeune femme morte, vraisemblablement assassinée. Ils décident de ne pas remettre leur partie de plaisir et postposent, jusqu’à leur retour, la signalisation du meurtre à la police.

Egoïsme, inconscience, incapacité d’appréhender les conséquences de leur négligence, racisme latent - la morte est une Aborigène -, bêtise, paresse ? Aucune réponse, du moins dans cette univocité attendue qui rassure, n’est apportée.

Il est vrai que nous sommes dans l’adaptation d’un court récit de Raymond Carver (*), connu non seulement pour sa passion de la pêche à la truite, mais surtout pour la sensibilité et l’acuité de son regard sur l’être humain.

Carver, s’il bouleverse, c’est parce qu’il sait décrire les vies simples de gens ordinaires englués, sans l’avoir voulu et en même temps sans pouvoir l’empêcher, dans des postures qui les confrontent à la solitude et à la tristesse de l’existence.

Lawrence, s’il intéresse, c’est parce qu’il arrive, par une mise en scène tenue et des acteurs au jeu intelligent, à susciter une atmosphère proche d’une réalité qui interpelle le spectateur adulte c’est-à-dire préférant la lucidité à l’illusion, sur les ondes déstabilisantes du quotidien.

Nous ne sommes pas dans un schéma à la violence démonstrative du « Deliverance » de John Boorman, mais plutôt dans celui d’une tension rampante proche de « Sweet herafter » d’Atom Agoyan qui questionne les retombées d’un moment d’égarement sur une communauté et des individus.

Entre la difficulté de pardonner des épouses, l’incompréhension des voisins et la colère des Aborigènes, « Jindabyne » scanne les différences entre les hommes et les femmes et les périls à vivre ensemble.

Une part belle est faite à la nature qu’elle soit sauvage, comme les montagnes qui accueillent l’escapade des personnages masculins ou protégée dans des réserves qui se révèlent, elles aussi dangereuses, parce qu’y rodent un tueur, métaphore de l’incapacité à maîtriser ce mal qui fait de la vie une vallée (Jindabyne en langage aborigène) de larmes.

Seul bémol à une adhésion totale à ce film intense : était-il nécessaire de déliter la concentration d’un point de vue dans un récit secondaire dont la tournure fantastique affaiblit la maturité d’une réflexion qui fait de la miséricorde la qualité capable de rédimer les malentendus entre les humains ? (m.c.a)

(*) « Tant d’eau si près de la maison », nouvelle publiée dans le recueil « Parlez-moi d’amour » paru, en français, en livre de poche en collection Biblio.