Comédie dramatique
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JEAN-PHILIPPE

Laurent Tuel (France 2006 - distributeur :

Johnny Halliday, Fabrice Luchini, Guilaine Londez, Caroline Cellier

90 min.
5 avril 2006
JEAN-PHILIPPE

D’emblée je préfère jouer cartes sur table : je serai probablement partiale dans mon avis sur ce film car je suis une fan de Johnny alias Jean-Philippe Smet dans la vie civile.
Du Johnny chanteur et ogre de scène capable de subjuguer des milliers de spectateurs (je garde comme très jubilatoires mes souvenirs de son Olympia 67 et de son Parc des Princes 1993) et du Johnny acteur (fragile dans « Point de chute » de Robert Hossein en 1970, désabusé dans "L’homme du train » de Patrice Leconte en 2002)

Dans « Jean-Philippe » sous ce masque quasi-funéraire qu’il a choisi de se forger depuis ses 60 ans (et qui lui donne un air de vieux bébé étique et cireux), il est à la fois touchant - comme dans cette scène où il découvre cet hymne à la fragilité humaine « On a tous quelque chose de Tennessee, ce désir fou de vivre une autre vie » - et capable d’une auto dérision qui rompt avec le préjugé répandu de son peu d’intelligence.

Quant à Luchini une fois de plus en roue libre - serait-il, avec Guillaume Depardieu, le seul électron ingérable du cinéma français - selon l’affection que lui porte le spectateur, il ravira ou il exaspérera dans ce rôle de dépressif dont la vie n’a de sens qu’à travers sa capacité à la machiner à celle de son idole.

« Jean-Philippe » n’est pas qu’un duo d’acteurs visité par les brèves apparitions de Laetitia Smet, Nathalie Baye ou Caroline Cellier, il est aussi une idée géniale, proche de l’uchronie - ce genre à part dans la littérature de science fiction qui porte à explorer les conséquences d’un fait situé hors de la réalité : en l’occurrence le réveil, après un coup de poing, de Fabrice Luchini dans un monde qui ne connaît pas Johnny.

Ce point de départ d’une comédie fantastique, même s’il n’est pas développé avec l’audace et l’originalité espérées, offre néanmoins des pistes de réflexion sur des comportements propres à notre époque et notamment celui de la fan attitude explorée dans ses aspects névrotiques et dépersonnalisants dans « Back stage » d’E. Bercot et « Janis & John » de S. Benchetrit.

Enfin « Jean-Philippe » permet à ceux qui aiment philosopher de laisser leurs pensées errer avec un recul épistémologique sur la notion de fatum, ce destin à l’inexorabilité duquel on ne peut échapper. Même s’il a été évincé, par un concurrent jaloux, de la possibilité de gagner une télé-crochet en 1959, Johnny finira par « Allumer le feu » sur la méga scène du Stade de France quelques 45 ans plus tard.

En ce monde changeant et provisoire, le talent de l’artiste soutenu par la foi de ses admirateurs serait-il l’une des dernières valeurs capables de transcender l’éphémère et le contingent ? (m.c.a)