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"IO CAPITANO"

Matteo Garrone

Seydou Sarr, Moustapha Fall, Issaka Sawadog

122 min.
10 janvier 2024
"IO CAPITANO"

Explorateur du monde impitoyable de la mafia napolitaine avec "Gomorra", Matteo Garrone s’est aventuré au-delà des mers, vers l’Afrique, à la rencontre de ceux que l’on ne connaît chez nous que lorsqu’ils meurent en Méditerranée… Le réalisateur est allé à la source. Il a interrogé des jeunes Sénégalais tentés par le grand voyage, vers une Europe largement fantasmée. Smartphones, réseaux sociaux, permettent aux jeunes Africains de nous regarder vivre et de rêver…
Adolescent, Seydou fait de la musique et rêve de reconnaissance. Son univers familial est chaleureux. Les premières images du film ne sont que jeux, danses, câlins. Tous les candidats migrants ne fuient pas une situation tragique. Garrone s’est intéressé à ceux qui veulent simplement quitter un monde qui leur semble trop étriqué, et il leur laisse la parole.
Loin du prologue idyllique, c’est une réalité effrayante qu’affrontent Saydou et son cousin Moussa. Tout au long du chemin, les prédateurs se pressent. Vols, chantages, menaces de mort, tortures, prison… Tout est réel. Garrone n’a rien inventé, et ne nous fait grâce d’aucune image. On ne pourra jamais dire qu’on ne savait pas… Très documenté, "Io capitano" n’a cependant rien d’un documentaire. Etonnamment , Garrone parvient à allier la tragédie absolue, au plus près du réel, avec des séquences d’une beauté inouïe. L’errance dans le désert, aux vues plongeantes, les échappées oniriques, où les personnages s’évadent, quittent le cauchemar quotidien , images superbes !
En contrepoint à la cruauté ambiante, quelques rencontres illuminent le parcours désespéré de Saydou et Moussa, des mains tendues.
Io capitano. Oui, Saydou finira par commander un navire déglingué et amener à bon port, en Sicile, 250 migrants. Garrone s’est inspiré de l’histoire vécue par un jeune Guinéen, Fofana Amara, qui a l’âge de 15 ans a dû commander un navire dans les mêmes conditions. Malheureusement, dans la vie réelle, à son arrivée, Fofana Amara fut jeté en prison pour un an… Aujourd’hui il vit à Liège.
Avec ses jeunes comédiens admirables qui nous font vibrer, ce film nous touche au plus profond et nous met, sans échappatoire, au cœur des crimes de l’Europe forteresse.
Tessa Parzenczewski