Drame
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IMPORT/EXPORT

Ulrich Seidl (Autriche 2007 - distributeur : Benelux Film Distributors)

Ekateryna Rak, Paul Hofman, Michael Thomas, Maria Hofstätter

146 min.
5 mars 2008
IMPORT/EXPORT

L’Autriche et son sens du tragique acerbe et grotesque.
Minutieusement pointé par les écrivains Thomas Bernhardt et Elfriede Jelinek pendant de longues années.

Et tout aussi obsessionnellement disséqué depuis deux décennies par le cinéaste Michael Haneke et depuis 2001, année de « Dog days » - son premier film - par Ulrich Seidl.

Tous les quatre, par leur façon originale et sans concession à la moindre complaisance narrative ou esthétique, proposent une vision décapante de l’homme, de la société et de l’Histoire.

Décapante parce qu’elle débusque, sans chloroforme, les mensonges, les mascarades et les impostures en tous genres.

Dans « Dog days », - une radicalisation du regard satirique de Charlie Chaplin dans deux de ses moyens métrages dont le tissage des titres (*) aurait pu inspirer Seidl -, le réalisateur observe, durant un été caniculaire, la médiocrité de la vie de ses contemporains, banlieusards de la classe moyenne viennoise.

Dans « Import/export », il trace (traque ?) deux destins. Un chassé croisé qui ne sera pas amoureux mais social entre Olga, infirmière ukrainienne devenue à Vienne technicienne de surface » dans un hôpital gériatrique et Paul, chômeur viennois qui fuit ses créanciers jusqu’en Ukraine pour tenter sa chance dans le trafic de machines à sous.

Comme toujours avec Seidl, on voyage entre le sordide et le grinçant. Avec lui, la réalité prend les couleurs féroces d’un crépuscule qui laisse exsangue et KO par la sur-exposition de tant de misère et de désolation.

Son obstination à brancher l’œil de la caméra sur les plaies purulentes de la modernité - le grand âge, le sexe sur internet, les nouveaux ghettos, la prostitution, les magouilles…. - est vraisemblablement celle d’un obsessionnel dont la pulsion scopique se complaît dans le glauque et le faisandé 

Mais elle est aussi un formidable moyen d’exprimer le malaise de notre époque gangrenée par la cruauté, le désir d’humilier et de soumettre son prochain à un pouvoir dont on se sait pourtant démuni.

Ce qui dérange chez Seidl est ce qu’il montre parce qu’il ce montre dérange nos envies (névrotiques ?) de confort mental.

S’il nous fouette c’est autant par un propos amer et méchant que par un style impeccable, proche d’une géométrie dont les angles fermés empêche de détourner les yeux vers les habituelles illusions permettant de croire que le bonheur est de ce monde.

Le rose avec lui n’est jamais bonbon, il est saumâtre. Le bleu ne fait jamais penser au firmament, il est obscène. L’acteur n’est pas magnifié mais scruté sans aménité. Le documentaire n’existe pas par lui-même, il est sali par la fiction qu’on y ajoute.

Chez Seidl, les personnages sont damnés - comme chez Visconti. Ils sont les boules d’un flipper devenu fou.

On peut comprendre que certains n’aient pas envie de jouer.

"Import..." a été présenté au Festival de Cannes en sélection officielle. Il n’a remporté aucun prix. (m.c.a)

(*) « A dog’s life » et « A day’s pleasure »