Documentaire
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I WISH I KNEW, Histoires de Shanghai

Jia Zhang-Ke (Chine 2010)

Hou Hsiao-Hsien, Wang Toon (réalisateurs taïwanais), Wei Wei, Rebecca Pan (actrices), Barbara Fei (la fille du cnéaste Fei Mu), Zhu Qiansheng (assistant de Michelangelo Antonioni pour "Chung Kuo"), Huang Baomai (décoré 7 fois ouvrier modèle), Yang Huaiding (négociant en bons du trésor) ....

118 min.
11 mai 2011
I WISH I KNEW, Histoires de Shanghai

Paroles et images. Mots et représentations visuelles sont les deux supports formant le fascinant récit de l’histoire de la mégapole chinoise des années 1930 à l’exposition universelle de 2010 racontées par celui qui a débuté sa carrière en étant interdit de projection dans son pays.

Supports mélangeant habilement témoignages et fictions grâce auxquels l’encore jeune cinéaste (né en 1970) réussit à capter de la ville et de ses habitants, même s’ils ont quitté le lieu qui les a vus naître pour Taïwan ou Hong Kong, les battements qui ont fait, au fil d’évènements suscités ou subis, ce qu’elle est aujourd’hui.

Un mélange de modernité féroce et de passé turbulent, tendu entre mégalomanie et tradition, déplié entre plans séquences et inattendues ellipses qui rend compte d’une évolution que nous sommes invités à constater, cornaqués par la présence énigmatique d’une jeune femme, Zhao Tao (*).

Qui vêtue de blanc, comme la Dame qui chez les Habsbourg annonçait les changements de règnes, scande en se déplaçant de quartiers en quartiers du port aux terrains sur lesquelles s’édifient la grandiosité de la manifestation à venir les modifications d’une ville en mutation.

Film axé sur le mouvement, un mouvement incessant qui entraîne le spectateur dans une sorte de vertige qui empoigne, malgré les plans fixes et les temps de pause que sont les moments de témoignages, le spectateur et lui fait sentir, parfois jusqu’à l’angoisse, la fuite d’un temps dont on ne perçoit les effets qu’avec le recul.

« I wish… » n’est pas un film dont on dit qu’il est beau ou bon mais plutôt qu’il est riche, dense – une sorte de pieuvre qui enserre dans un flot de photos, d’archives cinématographiques (**) et de sons dont l’abondance est autant captivante qu’étranglante.

Dans une de ses premières réalisations « Platform », Jia Zhang-Ke traque les infimes changements qui peu à peu vont modifier la vie d’une jeune troupe de théâtre présentant, dans des villages reculés, une pièce à la gloire de Mao.

« Platform » réalisé en 2000, financé par l’étranger, a été interdit en Chine.

10 ans plus tard, et après les intelligentes tentatives de comprendre une Chine en perte de repères que sont « The world »,, « « Still life » « 24 City », le réalisateur continue son exploration-explication des impasses d’un Empire du Milieu en voie de capitalisation.

Mais cette-fois ci s’il le fait , avec un sens du cadrage - une des forces de son cinéma – tout aussi inouï, il met l’acuité de son regard (formalisé ici non plus par la HD mais par un format 35 mm) au service d’une œuvre de commande. Produite par le Shanghai Film Group Corporation, une structure étatique régionalisée.

Le cinéaste underground est-il devenu un réalisateur apparatchick ? D’où le silence, relatif sur les égarements de la révolution culturelle et complet sur la violence extrême de l’armée rouge face à la résistance de Tchang Kai-chek.

D’où l’impression d’une émotion télécommandée plus que spontanée ? D’où la portion congrue (2 minutes !) du temps d’écran réservé à Hou Hsiao Hsien ?

« I wish I knew » … ou en français « Je voudrais (en) savoir » plus sur cette métamorphose.

Occasionnelle, providentielle, opportuniste ou inévitable ? (mca)

(*) l’Anna Karina du réalisateur - elle a joué dans la plupart de ses oeuvres ?

(**) "Suzhou river" de Lou Ye, "Days of being wild" de Wong Kar-Wai, "Two stage sisters" de Xie Jin ...