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Coup de coeurHit the road *

Panah Panahi

Hassan Madjooni, Pantea Panahiha, Rayan Sarlak

93 min.
27 avril 2022
Hit the road *

Pour son premier long-métrage, Panah Panhi, fils du cinéaste iranien Jafar Panahi, nous emmène avec « Hit the road »* dans un road trip familial dont la destination semble devoir rester secrète. À la fois drôle et émouvant, c’est le portrait sensible d’une famille en peine qui se dessine devant nous. Le long de ce voyage vers l’inconnu, de cette lente expédition dans un paysage accidenté, traversant des espaces magnifiques et terrifiants, une tension est palpable, mais personne n’en parle explicitement, comme pour éloigner et rejeter quelque chose de douloureux qui va se produire ou qui est peut-être déjà en train de se dérouler.

D’emblée, nous sommes embarqués dans l’habitacle étriqué d’une voiture empruntée où règne une atmosphère digne d’une classe de maternelle. Le père, vautré à l’arrière, immobilisé à cause de sa jambe dans le plâtre, tente de gérer au mieux son petit garçon, véritable boule d’énergie qui gesticule dans tous les sens et met l’ambiance à lui tout seul. À l’avant, la mère tente à son tour de gérer au mieux ce qui se passe à l’arrière. Elle navigue entre sérieux et vouloir faire diversion. Ils rigolent, ils s’embrouillent, ils parlent beaucoup, mais quelque chose cloche, une profonde tristesse semble se cacher sous tous ces masques. Au volant, le grand frère est aussi silencieux qu’il est absent, inexistant.

Bien que l’objectif de leur voyage reste dans le flou, laissant un goût énigmatique, tel le brouillard qui s’invite dans certaines scènes, l’on comprend que chacun essaye désespérément de reporter l’issue douloureuse et imminente vers laquelle ils s’exécutent.

Panah Panahi maîtrise l’humour visuel qui permet de dédramatiser et d’aller de l’avant. Grâce à la magie du cinéma, le réalisateur réussit à reproduire en images et en sons ces émotions inavouées que l’on a du mal à évoquer. Car dire les choses, c’est les rendre réelles, mais les nier par toutes sortes de subterfuges, tels que la rigolade, l’énervement, le silence, ne les rend pas moins effectives. Entre une lente agonie et une rupture brutale, il est difficile de choisir, alors on fait comme on peut et la vie suit son cours.

« Hit the road » peut laisser perplexe, car le film ne dit pas vraiment où il nous emmène, sinon dans la psyché humaine qui cherche justement à combler ce vide. À la manière d’un conte aux tons nostalgiques des chansons pop iraniennes, cette histoire nous raconte la vie, le temps présent, ce pont fragile entre un passé connu et un futur incertain. Larmes et sourires au rendez-vous.

Lucrezia De Fraye,

* Titre original « Jadde Khaki » (Terre de jade)