Chronique érotico-depressive
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HELP ME EROS

Lee Kang-sheng (Taiwan 2007 - distributeur : Film Benelux Distributors)

Lee Kang-sheng, jane Liao, Ivy Yi, Dennis Nieh

97 min.
13 février 2008
HELP ME EROS

Quand le disciple est prêt, le maître, dit-on, arrive. Et quand le disciple a appris à apprendre, peut-il devenir le maître ?

Voilà l’intéressante question qui se pose à la vision de cette deuxième réalisation (*) de Lee Kang-sheng, l’acteur fétiche - il est de chacun de ses films - de Tsai Ming-liang.

Victime d’une récession boursière, Ah Jie, jeune trader dépressif et accroché à la marijuana, essaie de trouver une consolation dans d’acrobatiques jeux érotiques - dont un « 69 vertical » qui restera dans la partie reptilienne du cerveau de ceux qui apprécient l’impétuosité imaginative, élastique et endurante d’un certain style de relations sexuelles.

« Help me … » est un film grave, mélancolique, lent qui aborde les corps avec une frontalité qui ne connaît pas l’hypocrisie du culturellement ou moralement correct et l’à priori mallarmien sur la tristesse de la chair.

Jouant avec les codes du cinéma x - sans jamais tomber dans le fabriqué/chiqué du genre - Lee, comme Catherine Breillat, s’intéresse surtout à ce que crée le contact intime avec l’autre.

Cet espace dramaturgique dans lequel chaque tremblement du corps permet de renouer avec soi un rapport réel. Un rapport qui tient à distance l’envie de se suicider, de se demander à quoi sert-il de vivre. Un rapport qui est une réponse, provisoire peut-être mais tangible, au néant, à la solitude, au repli mortifère.

Comme dans les films de Tsai Ming-liang, la ville fait partie intégrante du tissu dramatique de « Help me… » que Lee essaie d’extirper de sa déliquescente moiteur en accordant une place de choix aux lumières nocturnes.

Comme si cet éclairage coloré pouvait sauver de la désespérance. Cette tentative de trouver un sursaut de vitalité dans l’illumination donne au film une touche de magie.

Et fait penser aux scénographies d’Alain Guilhot (**) lorsqu’il tente de redonner aux métropoles une âme écrasée par la modernité.

« Help me… » est un véritable appel au secours. Pour résister à une déroute, un enlisement individuel en lequel chacun peut se projeter.

Sans nécessairement avoir envie d’y répondre par un recours au dieu ailé et puissant auquel Platon, dans ses dialogues, a réservé de belles pages.

En ayant juste envie d’y trouver une riposte ou un soutènement (***) capable de rendre, à la vie, son éclat. (m.c.a)

(*) La première « The missing » n’a pas été distribuée en Belgique, alors qu’elle a été primée aux festivals d’Athènes, Pusan et Rotterdam

(**) « Light is life » aux éditions Les chemins de la lumière
(***) Que les croyants mettent dans la formule mieux connue du « So help me God ». Dans lequel les Freudiens voient une énergie opposée à la force létale de Thanatos.