Ados en toute liberté
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HARRY POTTER ET l’ORDRE DU PHENIX

David Yates (USA/GB 2007 - distributeur : Warner Bros)

Daniel Radcliffe, Emma Watson, Rupert Grint

140 min.
11 juillet 2007
HARRY POTTER ET l'ORDRE DU PHENIX

A l’instar de la question posée par Jean-Michel Frodon dans le numéro 618 des « Cahiers du cinéma » « Y a-t-il trop de films en salle ? », pourquoi ne pas s’interroger sur l’overdose de chroniques cinématographiques consacrées à des films dont (pourtant) la fragilité commerciale n’est pas à redouter ? Alors que tant de métrages, longs ou courts, attendent et méritent tout autant - sinon plus - d’être soutenus par ceux que Joachim Lafosse (« Nue propriété ») appelle « les passeurs » entre les réalisateurs et les spectateurs.

Tout a été dit, écrit, déjà bien avant la sortie de cette cinquième aventure d’Harry à Poudlard et ce dans le but calculé de tendre au maximum la corde de la curiosité. Et de transformer, méthodiquement un hypothétique désir de voir en besoin formaté, calibré, addicté.

Tout ou presque. Ainsi J.K. Rowling, la créatrice de la saga Potter n’est pas la première à avoir conceptualisé un comité auquel sera accolé le nom d’un animal dont le merveilleux est de pouvoir renaître de ses cendres.

Jorges Luis Borges, ce grand maître es réalisme magique, avait déjà, dans les années cinquante, imaginé « La secte du Phénix » (*) dont le secret assure, de génération en génération, la pérennité de ses membres quels que soient les dangers encourus. Chez Rowling la secte est devenue ordre dont la mission confidentielle est de mettre l’ennemi de toujours, Voldemort, hors d’état de nuire.

Il est certain que suggérer un lien entre Rowling et Borges n’est, en terme de finalité commerciale, d’aucune utilité puisque vraisemblablement ceux qui dévorent les Potter ne connaissent pas Borgès et ceux qui apprécient les œuvres de celui-ci ne sont pas intéressés par les micro et macro événements de la vie d’un jeune apprenti sorcier.

Et pourtant, c’est peut-être ce genre de rapprochement qui éviterait aux spectateurs d’être asphyxiés par un débordement d’offres cinématographiques qui ou bien partent en tous sens ou bien convergent vers une sorte de discours unique rendant illusoire la résistance aux pressions d’un marché qui se glorifie plus du nombre de ses entrées que de la qualité des produits proposés.

Cette unicité de pensée est non seulement suicidaire pour la rentabilité d’un cinéma moins immédiatement accessible mais aussi pour le travail des critiques de cinéma qui, coincés entre les nécessités pour leur média d’être lus ou écoutés et leur avis personnel, doivent parfois trancher contre leurs opinions.

Il leur faut alors céder aux sirènes sans intérêt des copiés-collés de dossiers de presse rédigés par les vendeurs des droits du film et/ou les maisons de distribution, en délaissant la partie innovante de leur travail.

Celle qui leur permet de s’écarter de ce qui n’est au fond qu’une accroche publicitaire, pour retrouver ce que Roland Barthes appelle, dans « Critique et vérité », la potentialité créative des recensions.

Créativité qui tantôt structurale lorsqu’elle considère que l’œuvre est inscrite toute entière dans ses images, tantôt interprétative lorsqu’elle considère que ces mêmes images cachent un contenu dissimulé qui attend d’être déchiffré, nourrit le film d’un regard extérieur qui peut éclairer, de neuf, la vision du spectateur.

Du monceau de notes qui entourent les sorties des Potter bien peu sont à épingler. Quand un film manque de point de vue, il est normal que les critiques en manquent aussi.

Sortent quand même du lot quelques tentatives de cerner les repères (sociaux, esthétiques, psychologiques, mentaux…) qui aident à mieux comprendre l’œuvre, à en élargir son cadre (**) ou à en souligner les faiblesses (***). 

Si vous décidez de ne pas dédier (****) un peu de votre temps à Harry Potter, vous en libérerez, et ce sera tant mieux, pour l’Ecran Total dont CineFemme se plaît à rappeler la qualité d’une programmation dont l’intelligente diversité privilégie, la même semaine, reprise (« Gilda » de Charles Vidor), inédit (« Keane » de Lodge Kerrigan), classique (« Alexandre Nevski » d’Eisentein) et redécouverte (« Nuages flottants » de Mikio Naruse). (m.c.a)

(*) in « Fictions « éd. Gallimard, collection Folio
(**) « (Psych)analyse Harry Potter sur le divan » du magazine « Première » (n° 375) ; « Morphing d’Harry Potter » dans « Cinélife » (n° 108).
(***) « … Harry Potter traverse une mauvaise passe » dans « Le monde » du 11 juillet 2007 et la chronique signée kjou sur le site www.kweb.be
(****) c’est le parti pris de « Positif » qui, dans ses notes de A à Z, a « oublié » la sortie du Potter de l’année.