Bof ...
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HAPPY FEW

Antony Cordier (France 2010)

Marina Foïs, Elodie Bouchez, Roschdy Zem, Nicolas Duvauchelle

103 min.
22 septembre 2010
HAPPY FEW

Embarquement pour Cythère ou embarquement pour galère ?

Shakespeare (*), le créateur de l’expression « Happy few », dansait avec les mots. Antony Cordier, lui, danse avec les champs contre champs. Qui donnent aux corps leur présence rythmique.

Il y a quelque chose de Béjart chez ce réalisateur. Une même intention de capter des élans et des désirs. Ces désirs charnels que les années « flower power » incitaient à cueillir comme ils se présentaient. Non pas parce qu’on était malheureux ou en manque amoureux mais simplement parce qu’ils étaient là et qu’il était stupide, vita brevis (*), de les refuser.

Rachel est mariée à Franck. Elle rencontre Vincent. Il est marié à Terri. Ces quatre-là vont se plaire et se mélanger. Deux et deux font de toute façon toujours quatre qu’elles que soient les configurations sentimentales.

Si l’on imagine que « Happy … » est la version trentenaire du « Peindre ou faire l’amour » des frères Larrieu mettant en narration des quinquagénaires à la recherche d’une diversion sexuelle qui redynamiserait une relation devenue, avec le temps, morne (morte ?), on se trompe.

En effet « Happy… » est moins un film sur la liberté que sur une expérimentation (quasi) clinique aux lois bien définies : pas de voyeurisme, pas de partouze, pas de relation homosexuelle. Si ce n’est une étreinte Rachel/Terri dans laquelle la poussée hormonale spontanée occupe une bien modeste place.

Antony Cordier, dans son premier film « Douches froides » avait réussi, à travers le portrait d’un trio d’adolescents à connexer sexualité frondeuse et lutte des classes.

Dans « Happy… », malgré son intention (que certains qualifient de politique) d’épingler le mensonge-sauveur-d’apparence qui gangrène l’adultère bourgeois, il ne réussit pas à crédibiliser son propos. Plombé par une voix off sursaturante, une nudité affichée (et lors d’un épisode particulièrement grotesque enfarinée) comme si elle était un bout de viande, une artificialité des saillies auxquelles pourtant les acteurs s’efforcent d’apporter un bel enthousiasme.

Plombé surtout par une ambiance bobo gênante. Et ringardisante. Car au lieu de susciter une réflexion sur des questions qui secouent le monde de la conjugalité classique (est-il possible d’aimer deux personnes à la fois ? les relations sont-elles faites pour durer ?), « Happy… » agace.

Par l’égoïsme et hypernarcissisme de ses personnages dont on se demande ce qui les meut. L’ennui, l’insidieuse acédie des « nouveaux élus » de ne pas avoir de fins de mois difficiles, de vivre dans un confort trop douillet, d’avoir des métiers (webmaster, créatrice de bijoux …) ou une vie de famille que beaucoup leur envierait ?

En enfants gâtés (dans tous les sens du terme) ayant exploré un nouveau joujou, ils retourneront, une fois la lubie désenflée, à leur existence corsetée, privilégiée et finalement sans attrait ni intérêt.

Non pas épanouis par l’expérience d’un autre possible mais aigris parce que l’aventure aura mis à mal leur insignifiance identitaire.

Qui sont-ils au fond si leurs conjoints peuvent si aisément les remplacer ?

On sort du film avec une furieuse envie d’adultère qui soit exclusivement récréatif. Sans prise de tête, sans amertume postcoitale. Juste mu par la fantaisie du moment.

On se repasse en tête des titres de films. « Joyeuses Pâques », « Love actually » ….

Et là aussi on se rend compte que les réalisations qui soient légères sur le sujet sont « few »

Dans le fond l’être humain préfère souvent (toujours ?) l’Enfer » (***) au Paradis. (mca)

(*) « We few, we happy few, we band of brothers…” dans Henry V - vers auquel le jeune Kenneth Brannagh a insufflé profondeur et vérité dans son film éponyme.
(**) Patrick Lapeyre « La vie est brève et le désir sans fin » paru aux éditions P.O.L.
(***) le film de Chabrol sur des adultères fantasmés et achèvement du projet inabouti de Georges Clouzot.