Coup de coeur
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Coup de coeurGOLDEN DOOR

Emanuele Crialese (Italie 2007 - distributeur : Cinéart)

Charlotte Gainsbourg, Aurora Quatrocchi, Vincenzo Amato

118 min.
28 mars 2007
GOLDEN DOOR

« Golden door » emporte celui qui le regarde (au spectateur donc de ne pas se contenter de le voir) parce qu’il est ample et chaleureux.

Film d’amour pour une île, la Sicile, c’est aussi un film qui crache un courage et une souffrance, celle de paysans contraints de quitter leur terre parce qu’elle a cessé d’être nourricière.

Manifestement Crialese connaît les classiques de l’émigration (Elia Kazan « America America », Charlie Chaplin « The immigrant ») mais il les respecte trop - et c’est heureux - pour avoir l’audace de les copier. Il ne gardera de l’un que la fièvre tendue et méfiante du voyage et de l’autre un goût pour la fantaisie poétique.

A la fois lointain et proche du naturalisme de « Respiro », « Golden door » retrace l’histoire personnelle et en même temps exemplaire de tous les itinéraires, au début du XXème siècle comme de nos jours, de pauvres gens vers un pays imaginarisé de lait et de miel. Ce que les voyageurs n’ont pas évalué à leur cruelle valeur, ce sont les mécanismes de sélection (et d’exclusion) auxquels ils vont être soumis à Ellis Island.

« Golden… » est écrit et filmé avec passion. Avec cette rage proche de la sérénité des gens qui en ont bavé. Avec cette empathie qui fait, qu’au bout du voyage, on a envie que la famille Mancuzo trouve ce qu’elle est partie chercher.

Le début du film rayonne autour de la notion de terre natale (au sens premier du terme) (*) et donne, à une scène du film (**) - celle du bateau quittant le quai - la sensation d’un déchirement qui condense, mieux que n’auraient pu le faire des mots ou de la musique, les souffrances et espérances mêlées de ceux qui s’arrachent du connu pour l’inconnu. Il y a dans ce départ quelque chose du cri secret qu’Elio Vittorini a si pudiquement esquissé dans sa « Conversation en Sicile ».

La mise en scène n’est jamais spectaculaire. D’abord pudique, volontiers naïve et romanesque, elle deviendra géométrique, angulaire voire documentaire lors de l’arrivée dans l’espace concentrationnaire d’Ellis Island, ultime et redoutable frontière avant l’Eden convoité.

Comme Michael Cimino l’avait fait avec « La porte du paradis », Crialese déboulonne le mythe d’une Amérique accueillante et remet en question les fondements humanistes de la notion de melting-pot.

Les acteurs sont crédibles parce que humbles, crédules, émerveillés, solidaires quand il le faut, n’ajoutant pas une once de gras à un jeu qui séduit par sa retenue expressive.

Charlotte Gainsbourg porte sa rousseur avec ce que Jules Renard appelle « une sacrée tournure d’esprit » (***). Elle est à la fois « Effrontée », mystérieuse, et déterminée. La seule chose qu’elle n’avait pas programmée était de tomber « Amoureuse ». Mais chacun sait que la vie aime surprendre là où l’on ne s’y attendait pas. (m.c.a)

(*) à laquelle le cinéaste rend un hommage aussi vibrant que ceux d’Olmi dans « L’arbre aux sabots » ou des frères Taviani dans « Padre padrone »
(**) qui pourrait concourir au top ten des 10 plus beaux travellings du 7ème art
(***) in « Poil de Carotte »