Coup de coeur
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Coup de coeurGIORNI E NUVOLE

Silvio Soldini (Italie 2008 - distributeur : ABC Distribution)

Margherita Bay, Antonio Albanese

115 min.
21 mai 2008
GIORNI E NUVOLE

Aborder un problème contemporain et concret, qui touche de plus en plus d’individus dans leur vie quotidienne, est un défi que le cinéma relève souvent maladroitement.

Parce qu’il a tendance à le traiter avec une emphase des intentions et des émotions.

Comme si la simple description de la situation n’était pas, par elle-même, suffisamment illustrative de la douleur et des changements qu’elle implique.

Changements à tous niveaux : financier, relationnel, affectif.
Changements perçus dans le regard que l’on porte sur soi et dans celui que l’on imagine que les autres vont porter sur soi.

C’est avec une grande attention aux petites choses - la robe moins jolie que l’on achète, les aliments moins coûteux que l’on ramène du marché - et une tout aussi grande délicatesse accordée aux sentiments de ses personnages que Silvio Soldini empoigne, avec la volonté d’en découdre dans ses moindres aspects, un sujet de brûlante actualité.

Comment un couple marié depuis vingt ans va-t-il faire face à la perte d’emploi de son maillon économiquement fort ?

Avec beaucoup de subtilité, le cinéaste s’attache aux effets de cette annonce, cachée pendant un temps par Michele à son épouse par honte, culpabilité, et peur de faire souffrir l’autre.

Quelles seront les traces des privations matérielles indispensables - quitter un bel appartement pour un logement moins confortable, vendre l’auto, abandonner le luxe d’un travail bénévole - sur les relations conjugales et parentales au sein d’une famille qui n’a jamais connu les secousses des fins de mois difficiles et le cortège des discussions, frustrations, mécontentements, envies de compenser qu’elles entraînent ?

Portés par d’excellents comédiens et allégés par une géniale trouvaille scénaristique - inscrire le propos en parallèle à une restauration minutieuse et de longue haleine de fresques, c’est-à-dire en fait à une possibilité, par la patience et la détermination, à surmonter des difficultés pour retrouver un éclat (*), une deuxième vie - « Giorni E .. . » est un film d’une inhabituelle maturité.

Qui n’hésite pas à affronter des questions graves d’une façon sérieuse. Sans trouver dans l’humour, l’intervention d’un illusoire deus ex machina, l’abnégation d’un des héros, l’excès réactionnel (**) les refuges ou les tampons qui évitent d’affronter la réalité.

Chez Soldini, les personnages sont « nus », au plus proche du réel qu’ils incarnent. C’est ce qui les rend touchants et crédibles.

Et donne à leurs mains qui se retrouvent, lors de la belle scène finale, une puissance aussi affective que sensuelle, redessinant à sa juste valeur l’engagement qu’ils ont pris, un jour de liesse, l’un envers l’autre.

Pour le meilleur comme pour le pire.

On attend avec impatience le film « Tokyo Sonata » de Kiyoshi Kurosawa (***) et présenté, il y a quelques jours, au festival de Cannes.

Il y raconte, avec la sensibilité exacerbée des Japonais à la notion de déshonneur (****) les mensonges auxquels ils sont prêts pour cacher, à leurs proches, leur situation de chômeur. (m.c.a)

(*) Opposé à la deuxième proposition du titre : « … E Nuvole » : les nuages.
(**) "Une époque formidable" de Gérard Jugnot
(***) Dans un registre très différent du cinéma de l’angoisse qui l’a fait connaître ("Cure", "Pulse")
(****) Pour mémoire le splendide « Bashing » de Masahiro Kobayashi