Les brèves des Festivals

FUOCOAMMARE

Gianfranco Rosi

Samuele Pucillo, Mattias Cucina, Samuele Caruana, Pietro Bartolo, Giuseppe Fragapane

108 min.
21 septembre 2015
FUOCOAMMARE

L’Ours d’Or pour Fuocoammare de Gianfranco Rosi : une distinction qui cadre totalement avec l’esprit de la 66ème Berlinale.

L’attribution de la plus prestigieuse des récompenses au documentaire du réalisateur italien Gianfranco Rosi (déjà couronné du Lion d’Or de Venise en 2013 pour Sacro GRA) ne créa nullement la surprise, et l’on pourrait même parler d’un choix téléphoné. « Ce film va au cœur de ce qu’est la Berlinale », a déclaré Meryl Streep, Présidente d’un Jury dont les membres se sont dits bouleversés par un documentaire qui « allie la critique à l’art et la nuance ».

Lors de sa première visite à Lampedusa (île située au sud de la Sicile entre Malte et la Tunisie) à l’automne 2014, le cinéaste avait simplement dans l’idée d’explorer la possibilité de réaliser un film d’une dizaine de minutes destiné à être présenté dans le cadre d’un festival international. L’objectif était a priori de dévoiler une image d’un petit morceau de terre de 20,2 km2, tristement célèbre, bien différente de celle qui est habituellement montrée à la va-vite et souvent dans l’urgence après un désastre par les médias. Mais après quelques jours passés sur l’île, Rosi se rendit très vite compte qui lui serait impossible de réduire à quelques minutes l’univers d’un territoire, qui depuis plus de 20 ans, est devenu le phare de l’espoir ou l’abîme du désespoir pour des milliers de réfugiés quittant les côtes de l’Afrique.

Le hasard d’une rencontre avec le Dr. Pietro Bartolo, l’unique médecin de l’île confronté depuis plusieurs décennies à l’accueil des exilés, le décida à une immersion totale au cœur de Lampedusa durant un an, et c’est ainsi que  Fuocoamarre  est devenu un documentaire de 107 minutes qui mélange des scènes prises sur le vif à des fragments d’histoires.

En vivant au plus près d’une population locale constamment témoin de l’une des plus grandes tragédies humaines de notre époque et en accompagnant notamment les garde-côtes secourant des bateaux en détresse, Gianfranco Rosi a donc opté pour une double approche mêlant le quotidien des îliens au sort de ceux qui débarquent, vivants ou morts, sur les côtes de Lampedusa, et sont ensuite accueillis dans des centres ou médicalement assistés. Non loin des désastres qui rythment journellement la vie de l’île, il y a notamment Samuel, un jeune garçon de 9 ans, fils de pêcheur, qui, comme tous les garçons de son âge, n’a pas toujours envie de se rendre à l’école et préfèrerait grimper sur les rochers le long de la côte ou jouer avec son lance-pierres. Et c’est ainsi qu’au travers des yeux d’un enfant à la fois innocent et perspicace, Rosi nous raconte, de manière brute, sans voix off ni commentaires, l’histoire d’une communauté qui est confrontée à un état d’urgence permanent. « En vivant là, j’ai réalisé que le terme « urgence » n’avait aucun sens. Chaque jour, il y a une urgence. Chaque jour, il se passe quelque chose. », a souligné le cinéaste.

Après avoir reçu son prix qu’il a dédié aux habitants de Lampedusa, Gianfranco Rosi n’a pas manqué d’avoir une pensée « pour tous ceux qui ne sont jamais arrivés sur l’île pendant ce voyage de l’espoir » et a profité de la tribune qui lui était offerte pour mettre en garde les gouvernements européens mettant en place des politiques qui visent à réduire l’afflux des migrants. « Les murs et les clôtures ne marchent jamais, elles ne résistent jamais », a-t-il déclaré. « J’espère apporter une prise de conscience ; il n’est pas normal que des gens meurent en traversant la mer pour échapper à des tragédies », a-t-il estimé.

Outre l’Ours d’Or,  Fuocoamarre , dont la sortie en Belgique est prévue en septembre prochain a obtenu trois autres récompenses : le Prix du Jury Œcuménique, le Prix Amnesy Interational et le Prix des lecteurs du Berliner Morgenpost.


(Christie Huysmans)