Thriller
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FRACTURE

Gregory Hoblit (USA 2007 - distributeur : KFD)

Anthony Hopkins, Ryan Golsing, David Strathairn, Rosamund Pike

115 min.
9 mai 2007
FRACTURE

Du cabotinage considéré comme une forme de beaux-arts.

Plus encore que l’intrigue, wagnériennement ficelée entre deux genres souvent connectés : le thriller et le film de prétoire, ce qui agace c’est le face-à-face entre un vieux loup de la pellicule - Anthony Hopkins qui claque définitivement la porte sur sa retenue dans "Howard’s end" - et un louveteau - Ryan Golsing - qui comprend vite, que pour rivaliser avec les ficelles de jeu de son aîné, il doit manœuvrer, avec habileté, ruse et (hélas) complaisance, les siennes.

Trompé par sa jeune épouse, un ingénieur en aéronautique décide de la tuer d’une balle en pleine tête. L’enquête, malgré les aveux de la victime, s’avère difficile parce que le policier qui en est chargé avait une liaison avec la victime et que l’arme du crime n’est pas retrouvée.

Un jeune procureur est chargé de l’affaire. Son entrée en scène scelle la première fracture, au sens de rupture (*), du film. Celle d’une jeune ambitieux qui déteste perdre - sa confusion entre la cour et le terrain de sport où ce qui importe le plus est de marquer des points est pathétiquement immature - et sa lente prise de conscience qu’il exerce un métier dont la responsabilité citoyenne dépasse de loin la satisfaction égotique d’une victoire.

Dans « Find me guilty » de Jackie Dinorscio, un mafieux assure sa propre défense. Dans « Fracture » un pervers intelligent assure sa propre relaxe à l’aide d’un faisceau d’arguties juridiques imprévues introduisant le second écart du film. Celui de faire d’un procès un exercice brillant, retors, conçu comme un traquenard. Conception artificielle de la justice que Goblit connaît bien pour avoir réalisé plusieurs épisodes de la série « L.A. Law » et bien plus cinématographiquement attractive que la factualité d’une affaire en l’état.

Enfin une caméra attentive à une ville, Los Angeles, nous entraînant d’un centre urbain ultra tech-moderne (rendant un discret et bien mérité hommage aux créations de Frank Gehry), à de somptueuses villas, en passant par des aperçus de banlieue moins opulente, rappelle, sans jamais insister, que L.A est bâtie sur une anfractuosité aussi pérenne, que celle qui, terrestre, est responsable de réguliers séismes : la fracture sociale qui, un temps, donne envie à un des personnages de quitter la vie du droit pénal pour celle du droit des sociétés bien plus rentable.

Le premier film de Hoblit, « Primal Fear », était déjà un film de prétoire. En 10 ans, son cinéma a gagné en préjugés classieux, en logique prévisible et en tics (**), tout en continuant à interpeller par les multiples parallèles qui peuvent être tressés entre une audience et un écran. Tous les deux sont des supports à une re-création. Celle d’une réalité qui, au bout du compte et même dévoilée, garde sa part de mystère et de hasard. (m.c.a)

(*) préférable, à nos yeux, à la traduction française « Faille » privilégiée par des distributeurs qui, pour avoir traduit l’un des plus beaux films de Clint Eastwood, « Unforgiven » par « Impitoyable », continuent à nous édifier par leur mépris sans limite du sens.
(**) dont celle du "placement products" dont l’abondance prête à sourire. Si Porsche, Apple et BMW, mis en valeur toutes les 3 minutes, ne sont pas encore contents, c’est avoir obligé des ingrats ...