Pour un samedi soir
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FOUR LIONS

Chris Morris (GB 2010)

Riz Ahmed, Arsher Ali, Nigel Lindsay, Kayvan Novak, Adeel Akhtar

101 min.
2 février 2011
FOUR LIONS

Y a-t-il un point commun entre Kant le philosophe et Desproges l’humoriste ?

Oui. Le goût des questions.

Aux « que puis-je connaître ? », « que puis-je faire ? », « que puis-je espérer ? » du premier (*) répond le « puis-je rire de tout ? » du second.

Réponse affirmative mais conditionnelle : … « pas avec n’importe qui. ». (**)

Et j’ajouterai pas n’importe comment.

C’est justement là où le bât blesse dans ce premier long métrage de Chris Morris, l’un des enfants terribles de la radio et télévision anglo-saxonnes. (***)

« Four … » manque d’un mode d’emploi. Il part dans tous les sens, refusant la ligne directrice qui empêcherait les saynètes qui tentent de le structurer de se diluer sous un torrent de situations ridiculo-burlesques calibrées pour entraîner, par simple réflexe, rires gras et gargouillis zygomatiques.

Il y a, on le sait, deux façons (au moins) de rater sa cible. Soit parce qu’on reste en-deçà du but visé. Soit parce qu’on le dépasse.

Avec « Four … » manifestement la cible est dépassée par des excès.

Par une répétition d’excès qui s’annulent les uns les autres. Trop de cynisme tue le rire salvateur et spontané, trop de provocation engendre la lassitude, trop d’incorrection suscite la gêne.

Voire la méfiance.

Pourquoi chez Morris tant d’imagination acharnée à faire de ses héros - 4 « Barons » (****) islamistes prêts à tout, y compris menacer la quiétude de Londres, pour connaître l’ivresse du Paradis coranique promis aux terroristes - des imbéciles complets ?

Pour désamorcer une angoisse rampante depuis le 11 septembre 2001 - en effet que peut-on craindre d’idiots maladroits ? Pour dépiauter un tabou, celui de l’inhumanité présumée des martyrs musulmans ?

Ou pour ensevelir sous un amas de crétineries et de niaiseries un racisme dont on a honte ?

Drôle d’objet que ce film. Qui ressemble par son coté décalé à la série des « Hot shots » de Jim Abrahams et par ses potacheries à « Borat » de Larry Charles.

Et qui pourtant s’en démarque par le côté pétard mouillé de ses gags et parce que là où Sacha Baron Cohen cogne franchement où ça fait mal - les Américains sont tous des bêtas ignorants - la charge intentionnelle de Chris Morris est moins nette.

Il est impossible avec un thème grave et douloureux comme celui du terrorisme de vouloir à la fois le beurre et l’argent du beurre – aller au plus facile du cinéma parce qu’il est le plus rentable.

Pour ce qui est du sourire de la crémière, le réalisateur repassera.

Il n’aura pas le mien (mca)

(*) Successivement dans « Critique de la raison pure », « Critique de la raison pratique », « Critique de la faculté de juger » tous parus en Poche GF Flamarion.
(**) Réquisitoire du 28 septembre 1982 contre Jean-Marie Le Pen dans « Les réquisitoires du tribunal des flagrants délires » Tome I (ed. Le Seuil).
(**) En 2001, son documentaire sur la pédophilie lui a valu d’être remercié de la chaîne publique Channel 4.
(****) à côté desquels ceux de notre compatriote Nabil Ben Yadir ont le QI d’Einstein. Ou celui autoproclamé de Sharon Stone.