Drame
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FALSCHER BEKENNER ou L’IMPOSTEUR

Christoph Hochhäusler (Allemagne 2006 - distributeur : Ecran Total)

Constantin von Jascheroff

94 min.
22 juin 2007
FALSCHER BEKENNER ou L'IMPOSTEUR

Le tragique est déjà présent au départ. La citation est de Paul Klee et convient tragiquement à cette histoire - en fait une œuvre - fictionnelle qui ne se veut pas une copie de la réalité mais qui, pourtant, invite à s’ interroger sur ce que nous voyons de la jeunesse actuelle et sur la manière dont nous la regardons.

Arnim a 18 ans. Il est le cadet d’une famille de 3 garçons. Le seul, dans ce milieu bourgeois, à ne pouvoir se situer ni sexuellement, ni socialement.

L’une des intelligences - il y en a beaucoup - du dispositif narratif qui permet de saisir ce lent glissando du malaise existentiel au repli psychotique est l’utilisation à juste escient des ciseaux du montage qui coupent là où on ne s’y attend pas. Là où le questionnement d’Arnim devient cri intérieur.

Le mystère qui entoure l’inachèvement de plusieurs scènes essentielles permet, avec une lenteur qui évite l’ennui en raison même d’un usage brusque du cut, de suivre Arnim dans sa progressive dé-réalité l’enfermant dans une étouffante confusion de fantasme homosexuel et d’attirance hétérosexuelle.

Incapable de se situer dans son désir, il est tout aussi dépourvu de réaction durant ses entretiens d’embauche. Apathie dont il va tenter de sortir, à sa façon.

En manipulant la vérité qui fera de lui un être enfin vivant. Enfin responsable de quelque chose. Et peu importe si le prix à payer pour se sentir exister risque de le conduire en prison.

Enfermement pour enfermement, celui d’une geôle est peut-être plus supportable que celui d’un corps dans lequel on se sent à l’étroit et d’un cœur scellé par l’incapacité de communiquer.

Loin, par son absence d’une violence expressive, du « The great ecstasy of Robert Carmichael » de Thomas Clay, il y a pourtant dans le parti pris éthique de Christoph Hoschhäusler ce même regard sans illusion posé sur les conséquences d’une frustration sexuelle lorsqu’elle se conjuge à l’ennui, à l’incompréhension et au mépris.

« Falscher… » est un film dépouillé, sec d’explications, soucieux de tenir à distance tout transfert sympathique ou empathique, tout en permettant - comme le faisait Bresson - au spectateur de glisser, dans les ellipses du récit, sa propre version du film.

Il a aussi ce quelque chose qui le lie à des films comme « Requiem » de Hans-Christian Schmid. Cinéaste qui, avec Hochhäusler et d’autres (*) redonnent au cinéma allemand contemporain ce socle de puissance et de marginalité perdu depuis la disparition de RW (Rainer Werner Fassbinder). (m.c.a)

(*) Henner Winckler ("Lucy"), Benjamin Heisenberg ("Schläfer"), Hans Steinbichler("Winterreise") ….