Adaptation d’un livre
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Coup de coeurEXTREMEMENT FORT ET INCROYABLEMENT PRES

Stephen Daldry

Tom Hanks, Thomas Horn, Sandra Bullock, ...

129 min.
29 février 2012
EXTREMEMENT FORT ET INCROYABLEMENT PRES

Oskar Schell, jeune garçon particulièrement brillant, a 9 ans. Cela fait une année que son père est tombé en même temps que les tours jumelles. En jetant un coup d’oeil aux affaires de son père défunt, il y trouve une clé où est griffonné le mot "black". Son père ayant toujours parsemé son chemin d’enfant de mille énigmes à relever, Oskar se lance dans une quête éperdue, celle de retrouver, au sein même de Big Apple, la serrure de ce trésor, dernier lien le reliant avec celui qu’il a perdu.

Dans cette clé, c’est une réponse à la disparition inexplicable de son père que l’enfant recherche désespérément. Pour découvrir à quelle serrure cette clé se rattache, Oskar va frapper à la porte de tous les Black de New-York - on imagine l’ampleur de sa tâche - aidé affectueusement par les personnes qui parsèmeront ce chemin.

Stephen Daldry continue sa filmographie toute singulière, après les très réussis et très distincts Billy Elliot (1999), The Hours (2003) et The Reader en 2009. Ayant travaillé longuement dans le monde théâtral, il s’approprie l’outil cinéma avec une mise en scène complexifiée. Il s’adjoint, pour la musique, les services d’Alexandre Desplat ( The Tree of Life, The King’s Speech ), compositeur français, qui signe la bande originale du film avec finesse, soulignant l’aspect émotionnel du film, qui ne vire pas pour autant dans une marmelade sentimentaliste, en envisageant alors le sentimentalisme comme l’échec du sentiment.

Le réalisateur se concentre sur l’œuvre d’apprentissage, et laisse, en filigrane, le drame d’une autre génération, celle des grands-parents paternels d’Oskar, faire écho à la tragédie de 2001. En effet, c’est dans les bombardements de Dresde durant la seconde guerre mondiale que la grand-mère perd sa sœur Anna.

Continuant l’histoire d’amour entamée par Anna avec l’homme qui fut son amant, elle espère sans doute adoucir le deuil. Mais le grand-père d’Oskar ne parvient pas à guérir sa perte intérieure et c’est à son tour de disparaître avant la naissance du père d’Oskar. Ce grand-père, plongé dans un mutisme muet, comme une punition à son manquement, sera part de la quête d’Oskar, comme un liant permettant de se resserrer autour du disparu.

L’ampleur de cette adaptation résidait dans une question : comment narrer, sur écran, le propos fort et disparate d’un ovni littéraire tel que celui de Jonathan Safran Foer, doté d’une forme si originale et parsemé d’utilisations insolites de typographie comme du mode pictural ? Une écriture et une structure dont la construction même se prêtait principalement au format d’un livre. C’est avec une ingéniosité subtile que s’opère la transposition. Il en découle un film à la fois dur et tendre, à l’ambiance insupportablement lourde et merveilleusement enchanteresse par ces accents hors-norme.

Et quelle joie de retrouver Tom Hanks et Sandra Bullock dans des rôles forts, de composition et d’incarnation. Et de découvrir le jeune Thomas Horn, dont le jeu coloré, vivant et plein de candeur porte amplement le film.

(Ariane Jauniaux)