Films de gangsters
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EXILED

Johnnie To (Chine 2007 - distributeur : Cinéart)

Anthony Wong, Francis Ng, Nick Cheung, Josie Ho

100 min.
22 août 2007
EXILED

Il existe des films-Barbie (*) et des films-Goldorak (**).
Dans le grand parc d’attractions (au sens premier du verbe « attirer ») qu’est le cinéma, les femmes (et filles) seront séduites par les premiers, les hommes (et adolescents) par les seconds.

L’enjeu de ces intérêts n’a rien à voir avec les qualités intrinsèques des réalisations mais avec une architecture thématique et un ton de mise en scène profilés « virils » ou « féminins »

Il y a, bien sûr, comme dans la théorie moderne et mathématique des ensembles, des intersections possibles entre ces deux groupes d’amateurs. Mais dans l’ensemble, ceux-ci vivent leurs vies cinématographiques, pacifiquement séparés.

Ainsi il est rare - à moins d’être cinéphile c’est-à-dire d’aimer le cinéma précisément pour ses vertus protéiformes - d’apprécier « Bridget Jones’ diary » et les films de Johnnie To. Alors que tous les deux présentent la même exacerbation d’une réalité qui, si elle était vécue dans le réel, susciterait pour Jones la pitié (et non les rires) et pour To l’effroi (et non l’intérêt).

Mails il est vrai que, confortablement installé dans le siège du cinéma du coin, on trouve aisément mille et une raisons, iconoclastes, tragiques, esthétiques, humoristiques etc…, de justifier sa curiosité pour des modes de vie que l’on fuirait dans le quotidien.

« Exiled » est une histoire et une intention.

L’histoire simple et classique se réfère aux trois piliers d’un polar équilibré. Un lieu mythique : Macao (***). Une date emblématique : 1998, l’année qui précède la rétrocession du territoire à la Chine continentale. Une intrigue en apparence minimaliste : des truands sont liés, depuis leur jeunesse, par des liens d’affection. L’un d’eux est sommé par le caïd pour lequel il travaille de tuer l’un de ses amis. Que fera-t-il ?

L’intention est plus complexe et emprunte à plusieurs styles - le western, l’ironie, le tragique, le sans-issue, le lyrique, le tourmenté, le nostalgique - qui donnent au film une tension et une incertitude propres à l’époque où les interrogations étaient nombreuses sur le « modus sequenti » du rattachement de l’ancienne enclave portugaise au grand frère chinois.

Truffé de plans en hommage à Sergio Leone, de clins d’œil (goguenards ?) au « Wild bunch » de Sam Peckinpah, de respect pour le sens de l’honneur (imaginarisé ?) des malfrats défendu par Melville, de fusillades chorégraphiées façon John Woo et d’un goût pour l’esprit d’équipe que l’Alexandre Dumas des Mousquetaires aurait apprécié, « Exiled » est un mille-feuilles sauvage dont les ingrédients sucrés sont « en exil », remplacés par le goût métallique des flingues et des munitions. (m.c.a)

(*) The "girlish movie"
(**) The "man action movie"
(*) et ses ambiances maffieuses démultipliées par le jeu (« Macao » de Josef von Sternberg) et la drogue