Deux regards - deux opinions
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ETREINTES BRISEES

Pedro Almodovar (Espagne - distributeur : Alternative Films)

Pénélope Cruze, Lluis Homar, Blanca Portillo,Tamar Novas

127 min.
20 mai 2009
ETREINTES BRISEES

Histoire d’amour. Homme et femme, cinéma et homme, femme et cinéma. Des amours qui s’entremêlent, entre pellicule et peau, écran et vision, illumination et cécité. La volonté de Pedro Almodovar de raconter une liaison passionnée tout en affirmant son propre amour pour le septième art.

Histoire d’un réalisateur, tombant éperdument amoureux de son actrice, elle-même déjà liée à un homme qu’elle a choisi par dépit. Récit classique d’amour impossible, que Pedro Almodovar nous raconte avec sa patte habituelle, par flashbacks, allées venues entre un présent nostalgique et un passé regretté.

Un film complexe, au scénario structuré par intrigues et secrets, retardant les révélations pour mieux faire haleter le public. Cette spirale narrative qui s’enlace inlassablement ne parvient pourtant pas à susciter du suspense ou une quelconque attente chez le spectateur.

A force de chercher la complication, Pedro Almodovar se perd, quelque part entre son amour du cinéma et son adoration pour Pénélope Cruze. Son récit ne décolle pas. Les émotions qu’il cherche à transmettre ne passent pas la barrière de l’écran, et s’y échouent, laissant le spectateur froid, distant.

Où est passé le Pedro Almodovar qui secouait ? Celui qui mobilisait couleurs, cris, débordements et passions pour retourner le regardeur éberlué de tant d’émotions rassemblées. Un Almodovar qui énervait certains, en émouvait d’autres jusqu’aux larmes, mais un réalisateur qui touchait, quoi qu’il fasse.

Un cinéaste qui avec « Los Abrazos rotos » ne parvient plus à emmener dans les circonvolutions de son Espagne à lui, mouvementée et pétillante, extravagante et échevelée. Il nous propose ici un spectacle civilisé, dans lequel l’explosion ne trouve plus sa place, où l’excès a cédé à la cadence, réfléchie et dosée, d’un schéma huilé.

On ne retrouve plus la passion du maître espagnol. Ses corridas ont disparus, son tempérament a baissé, au fils de ces dernières réalisations, de « La Mala Education » à « Volver », pour ne devenir que des figures, des pirouettes cinématographiques où les personnages sont devenus des portemanteaux d’émotions.

La passion s’est envolée.

Il n’en reste que les ébauches, contours diffus, dont on ressent l’ancienne fougue, sans plus pouvoir en palper la réalité.

S’il s’agit là d’une certaine maturité, de l’aboutissement adulte d’un cinéaste, il faut dès lors en déplorer l’épanouissement et espérer que Pedro Almodovar renouera à l’avenir avec son ancienne fougue, extrême et brouillonne, mais terriblement vivante. 

(Justine Gustin)